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2012 :

La fin des illusions apocalyptiques ???

 

par Serge BRET-MOREL

Qui n’a pas entendu parler encore et encore ces derniers temps, de la fin du monde « prévue » par les Mayas et confirmée (!) par les astrologues ?

2012 le film

Ils doivent être peu nombreux ceux qui ont eu la chance d’avoir échappé à la vague médiatique accompagnant la sortie du film catastrophe intitulé justement « 2012 » et présentant à coups d’effets spéciaux plutôt réussis (malgré un scénario… catastrophique), la fin de notre monde ou ce qui y ressemble. On remarquera au passage que le prétexte astrologique (des affiches et de la bande annonce) est mentionné et présenté dans les premières secondes ou minutes du film et puis… plus rien ! On appréciera aussi le superbe alignement planétaire présenté dans le film (où les planètes d’ailleurs, sont à côté les unes des autres malgré les distances astronomiques que l’on connaît…), alignement donc que l’on ne retrouve dans aucune carte astrologique de 2012, et encore moins le 21 décembre !

Les cycles Mayas

Mais alors cette date de fin du monde ??? Quand doit-elle survenir ??? La date n’est déjà pas très claire… En effet, les auteurs qui ont alimenté l’idée de fin de cycle des Mayas fin 2012, arrivent à des dates qui ne concordent pas toujours. Ainsi hésite-t-on parfois entre le 21 et le 23 décembre 2012.

De plus, avant d’admettre l’idée de fin du monde à la fin du « supercycle » Maya, encore faut-il commencer par admettre que la création du monde (ou de notre monde) doit aussi être datée au début de ce supercycle, soit en… 3.114 av. JC ! Sinon, quelle cohérence y a-t-il à accepter l’idée de fin de cycle sans accepter l’idée de cycle elle-même et tout entière ??? Il suffit de rejeter cette date de création du monde pour donc, ne pas accepter celle de décembre 2012.

Une prophétie courante

Il faut dire aussi que ce n’est pas la première fois que l’on nous annonce la fin du monde, et on a toujours tendance à tomber dans le piège d’une certaine confusion. Contrairement aux apparences, l’événement extraordinaire que serait la fin du monde ne doit pas rendre extraordinaire une prophétie de fin du monde parmi d’autres. En fait la prophétie tire son caractère imposant, non pas de la manière dont elle a été produite (elle s’imposerait alors comme par évidence), mais seulement du caractère imposant de l’événement qui est annoncé. C’est là un procédé toujours efficace pour faire parler d’une prédiction quelconque… Car en effet, prophétiser la fin du monde est devenu chose courante depuis un siècle, comme le montre le tableau de la page citée ci-dessus… Peut-être l’approche de l’an 2.000 (elle-même précédée de l’enfer des deux guerres mondiales et de leur traitement médiatique) a-t-elle nourri cette crainte ?

Cause ou catalyseur de peur ?

Comme toujours face à une prédiction catastrophiste (personnelle ou collective) il ne faut pas confondre la cause et le catalyseur de la peur. Si un enfant a peur du père Fouettard, ce n’est pas parce que le père Fouettard est dangereux, mais d’abord parce que son sentiment d’insécurité vis-à-vis de ce qui sort du cocon familial est omniprésent. La peur elle-même est donc sous-jacente, prête à surgir à la moindre raison, le père Fouettard étant un catalyseur (et même un révélateur) de cette peur, pas la cause de cette peur.

L’assurance métaphysique

Pour les prophéties de fin du monde il y a fort à parier que l’idée ci-dessus permet de faire un premier tri parmi ceux qui y croient ou non. Elles doivent toucher en premier lieu tous ceux qui ne sont pas « protégés » sur le plan métaphysique par un système de pensée très rationnel (où ce genre de prédiction est à juste titre rangé dans la catégorie « superstition »), ou au contraire très religieux (si je ne crois qu’à une certaine religion, alors toute prophétie provenant d’un autre système de croyance est du domaine du folklore). La prophétie jouera donc pour certains, le rôle de catalyseur de peurs préexistantes au plus profond d’eux-mêmes, mais pas pour les autres, qui forcément, demanderont une argumentation.

Il faut remarquer ici qu’il est à la mode depuis quelques dizaines d’années d’être touché par un certain syncrétisme religieux ou spirituel, autrement dit de ne pas limiter ses croyances à un système religieux en particulier. On va puiser ici et là, s’inspirer des sagesses de toutes les religions. Mais cela a ici un résultat inattendu : si l’on s’ouvre finalement à toutes les croyances, on risque aussi de s’ouvrir à toutes les peurs issues justement de ces croyances. L’option métaphysique syncrétique n’est pas forcément la plus stabilisante… elle ouvre ici à quelques comportements superstitieux.

Les cycles astrologiques de 2012

Il suffit de faire tourner les planètes sur l’année 2012 pour voir qu’au plan astronomique il n’y a aucun alignement mettant en cause toutes les plus grandes planètes du système solaire. De plus, au sens de l’astrologie contemporaine il n’y a aucune date véritablement exceptionnelle sur le plan des aspects astrologiques. Pire, le 21 décembre 2012 il n’y a aucune conjonction dont l’orbe est inférieur à 8° ! La date est donc quelconque pour l’astrologie occidentale, et même doublement quelconque

Certains ont évoqué pourtant l’alignement du centre galactique avec le système Terre Soleil. Or, comme le rappelle la NASA, un alignement plus précis encore a eu lieu dernièrement en 1998… sans fin du monde. Mais d’abord, est-ce bien là une question « astrologique » ?

De la même façon, si inversion du champ magnétique terrestre il devait y avoir, alors elle ne devrait pas se produire avant 2.000 ans après cette date… et encore une fois, qu’y a-t-il d’astrologique ici ???

La question d’un pic de l’activité solaire pour 2012 avait aussi relancé la question de la prophétie Maya, pourtant les dernières rectifications semblent montrer que cela ne sera peut-être pas pour 2012. Et puis encore une fois, depuis quand les astrologues tiennent-ils compte de l’activité solaire dans leurs interprétations ???

Mais on pourrait nous opposer la question de « l’indice cyclique » astrologique (quand les planètes sont regroupées elles marqueraient des changements profonds de société ou de civilisation, puisque plusieurs cycles astrologiques recommenceraient). Or, d’après les graphiques de cette page, puisque les planètes regroupées provoquent une chute de l’indice (pointes vers le bas) on voit que pour 2012 il n’y a rien… Là non plus, la fin du monde n’est ni annoncée ni suggérée par l’astrologie…

 

Le mélange des genres

Comme on peut le voir, les raisons et les ressorts de la polémique n’ont absolument rien « d’astrologique » ! Mais alors pourquoi fait-on de la prévision Maya quelque chose d’astrologique ? Pour au moins deux raisons.

La première parce qu’il y a là une prédiction faite à partir de positionnements astronomiques, et cette juxtaposition prédiction – astronomie est automatiquement (et de façon erronée) qualifiée « d’astrologique » même si, on l’a vue, il n’y a RIEN D’EXCEPTIONNEL à retirer des dates envisagées à partir de la technique astrologique. Mais définir ce qui relève ou non de l’astrologie, autrement dit la définition même de l’astrologie est aujourd’hui très difficile à faire, ce pourquoi bien souvent dans les débats les arguments partent en tout sens.

La seconde raison alimente la première : puisqu’il y a une prédiction faite à partir de mouvements célestes, alors bien des astrologues (amateurs, voire professionnels) considèrent a priori qu’ils sont compétents pour donner leur avis en la matière en se basant sur des données qui ne relèvent même pas de l’astrologie qu’ils utilisent au quotidien ! Or, n’est pas prophète ou historien de l’astronomie Maya qui veut… Les astrologues devraient donc être les premiers à ne pas se succomber à la tentation de voir de l’astrologie même là où il n’y en a pas, cela permettrait déjà de diminuer le nombre de débordements inutiles ayant toujours le même résultat : nuire un peu plus à l’image de l’astrologie.

Soyons optimistes

Pour terminer avec un peu d’humour, non, la fin du monde ne devrait pas avoir lieu fin 2012, avis que partagent déjà quelques centaines de milliers de personnes du groupe Facebook suivant : qu’attendez-vous donc pour vous y inscrire ???

Si 2012 marque une nouvelle fois l’échec d’une prophétie de fin du monde plutôt que vraiment, « la fin du monde », il serait bon que nous commencions à envisager une fois pour toutes la fin des illusions apocalyptiques, ce serait tout de même plus sain et plus sérieux que, à chaque fois, perdre du temps à déconstruire et démontrer ces bêtises…

 

 

 

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