les "Astro Plumes" |
Claudine BESSET-LEMOINE cartographie astrologique
Dans le livre de Bernard Werber, "L'Empire des Anges" se trouve la phrase suivante; "..... il est difficile de cartographier l'infini..." et pourtant, ils l'ont fait. Ce "ils" personnifie les observateurs, astrologues, astronomes et techniciens du ciel et de la terre au cours des âges dont les pierres et l'écriture ont gardé la mémoire, témoignant ainsi d'une grande audace et d'une grande inventivité.
Les écrits gnostiques retrouvés en Egypte à Nag- Hamadi et datant des IIème, IIIème et IVème siècle de notre ère rapportent, pour certains, différentes tentatives de description de la période ante-Genèse biblique.
Dans l'un d'entre eux, le personnage ou éon Sophia, recherche éperdument à rejoindre le lieu ineffable de l'origine. Ce faisant, elle s'étend à tel point qu'elle court le risque de se perdre totalement mais pour son bonheur et aussi la suite de l'histoire, elle rencontre un autre protagoniste ou éon Horos dont justement la mission est de donner des limites. Ce bref exemple n'a pour but que de mettre en valeur l'intérêt du concept de frontières, proposé comme thème de ce Colloque interdisciplinaire sur l'Astrologie qui a eu lieu à Paris en décembre 2000.
Pour toute discipline, définir ses propres limites relève d'un devoir impérieux car cette opération permet de se qualifier en tant que telle, balisant à la fois le champ de son savoir, comme celui de son exercice professionnel. Nous ne mentionnerons qu'en passant la confusion actuelle qui règne dans les esprits sur le sujet, largement entretenue et amplifiée dans les média, entre les différents arts du questionnement en marge de la sphère sociale reconnue et acceptée, et ce essentiellement autour de la question de la préfiguration de l'avenir.
Sur le fond du problème, qu'il suffise de renvoyer à toutes les techniques prévisionnelles et prospectives largement utilisées dans les domaines économiques, financiers, épidémiologiques etc. Et pourtant cet art du questionnement qu'est l'astrologie demeure bien vivant d'où l'urgente nécessité de lui donner un cadre cohérent, structurel, de pensée et de pratiques recouvrant ses supports théoriques, ses critères déontologiques et sa vocation face au public. Il s'agit d’être compris. Se définir contre, c'est à dire face aux scientifiques au sens très large du terme, s'avère au fil des années totalement inefficace et inutile, alors que s'auto-définir renferme en germe des développements à l'évidence positifs. Pour le propos de ce bref exposé, Je me bornerai à dire d'une manière très générale que toute personne recourant à cet outil qu'est le thème ou carte du ciel traduit dans son support graphique et la symbolique qui lui est associée, s'inscrit dans cette discipline que l'on nomme l'astrologie, que ce soit à des fins de recherche, d'enseignement ou de pratique consultative. Il est vrai qu'il ne suffit pas de savoir compter de 1 à 9 pour s'intituler mathématicien, ni d'énumérer avec précision les symptômes de la grippe pour se qualifier de médecin mais pour l'heure merci d'accepter cette proposition de base.
Oui, "ils" ont procédé à cette cartographie céleste découpant autour d'un centre l'espace en un cercle de 360° qui offre une infinité de divisions positionnelles, elles-mêmes susceptibles d'être investies de sens à perte de vue. Cet espace de représentation cosmogonique permet le placement des différents objets célestes qui occupent notre système, planètes évoluant de manière cyclique autour d'une étoffe de moyenne grandeur sur un fond stellaire dit des fixes, à son tour cadre de référence entre nous terriens et le reste du cosmos.
Le caractère cyclique des déplacements célestes, vus de la terre, a permis à son tour d'élaborer un système temporel calendaire que les civilisations et les cultures ont personnalisé au fil de leurs connaissances et de leurs besoins. Circonscrire l'espace et le temps tels qu'ils se coordonnent pour nous auteurs et acteurs du scénario revient à dire que ce qui se meut dans le ciel ne peut que trouver son "reflet" sur la terre par une opération analogique basée sur un arbitrage de correspondances anthropo-humaines. C'est ainsi que l'infini a connu ses bornes et ses limites et que l'homme s'est reconnu à l'intérieur d'un domaine, le sien.
Strates après strates, ce lieu s'est constitué en sédiments mythologiques porteurs de traces, de signes, d'images qui tour à tour et face à face ont généré un système symbolique, langage s'appliquant à une infinité de lectures dans les domaines les plus divers. L'outil ainsi affiné a acquis son autonomie passant du statut de simple dessin mathématique à celui de métalangue entre le ciel et la terre.
Il s'est alors vu nommé, sa désignation donnant à la fois sa filiation et son identité, cercle d'images, cercle de vie, le zodiaque avec sa division en douze signes et leurs caractéristiques dont Ptolémée disait déjà au IIème siècle de notre ère qu'elles étaient "transmises par la tradition".
A ce point il est bon de rappeler pour mémoire qu'à lui seul le cercle du zodiaque, ses différents attributs et indicateurs en tout et parties peuvent s'appliquer indifféremment à toutes les situations rencontrées allant sans effort dans sa nature plastique de l'infinitésimal au macrocosmique.
La métaphore de la langue nous conduit à d'autres frontières et limites toutes aussi inscrites dans l'outil astrologique ainsi défini, celles-ci délimitent tous les domaines d'investigation dans ses applications à l'expérience humaine à titre individuel ou collectif, de même qu'une langue peut traiter d'une infinie variété de sujets.
Poursuivant notre quête, nous voici à la croisée des chemins, l'intersection des deux axes de l'Ascendant / Descendant et du Fond du Ciel / Milieu du Ciel va permette à son tour de découper le zodiaque en quatre saisons humaines correspondantes aux quatre saisons célestes qui à leur tour vont se subdiviser en douze maisons terrestres en réponse analogique aux signes pour leur qualité substantielle.
Puis par une seconde opération de nomination cette fois-ci, elles se verront attribuer un domaine de signification : ici la personnalité, là l'argent hérité ou les enfants et ainsi de suite.
Nous pourrions passer en revue d'autres subdivisions et les sens ou les accès au sens qu'elles se sont vues conférer, décans, termes, degrés etc. mais cette énumération n'ajouterait rien à cette idée de base que nous proposons que l'astrologie contient son sens et son application en ses propres frontières et limites.
Un dernier exemple pris dans la nouvelle édition* en français du "Tétrabible" (Livre II) de Ptolémée parue au dernier trimestre 2000 rend bien compte de cette extension de l'outil astrologique. Il s'agit d'un découpage géographique du monde connu alors.
La croix nord / sud, est / ouest délimite quatre cadrans, inscrits entre quatre points, à l'ouest, le détroit de Gibraltar, à l'est, la chaîne du Taurus, au nord la mer d'Azov, au sud la mer Rouge. Le N-0 se voit sous le gouvernement de Jupiter et Mars, le N-E sous celui de Saturne et Jupiter, le S-0 de Mars et Vénus le S-E de Vénus et Saturne. De ces attributions planétaires on petit déduire des tempéraments non seulement de grandes régions mais aussi de pays et de leurs habitants.
Toute frontière enserre des territoires, toute limite définit des aires juridiques et un questionnement astrologique permet à la fois d'en reconnaître la nature, d'en repérer les points de passages, les modalités licites ou transgressives des stratégies de franchissement. Les voies d'accès d'un domaine à l'autre se voient éclairées par les positions respectives des planètes, clefs et mots de passe indicatifs de chaque cheminement ou investigation requis.
Claudine Besset-Lamoine
Remercions ici Patrice Guinard et Jacques Halbronn d'avoir choisi le terme de frontières pour développer ce débat sur l'astrologie. * Ptolémée. Le Livre unique de l'Astrologie. Pascal Charvet. Nil Editions, Paris 2000. Ce Colloque était organisé par le MAU (Jacques Halbronn) et Patrice Guinard |