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Points de vue...

 

Il y a Astrologie et Astrologie

par Serge Bret-Morel

 

Selon l’astrologie chinoise, nous sommes entrés depuis quelques jours dans l’année du Coq : les astrologues occidentaux ne peuvent pas, bien sur, rester indifférents à cette annuelle célébration. Chaque année en effet « l’autre astrologie » (la seule autre très répandue chez nous en tout cas) fait parler d’elle à cette même époque, et tout à coup, un vocabulaire qui nous est bien familier renvoie l’espace d’une journée au moins, à des notions tout à fait différentes ! J’avoue que le décalage est toujours marquant dans mon esprit, et chaque année j’ai l’impression de mesurer un peu la désorientation d’un astrophysicien qui écoute parler un astrologue, le mépris en moins : il est certain en tout cas que les mêmes mots ne renvoient plus aux mêmes repères conceptuels.

 

Nous parlons en tout cas d’ « astrologies » chinoise et occidentale, mais cette même appellation est-elle vraiment appropriée ? Par définition « astrologie » renvoie au logos appliqué aux astres, c’est à dire à la recherche d’un ordre rationnel caché expliquant (« sauvant ») le désordre des phénomènes. Appliqué aux astres, ce sens a donc progressivement dérivé vers celui « d’étude » des astres (c’est dans ce sens qu’ au 14ème siècle apparaît le terme « astrologie » en français), mais si aujourd’hui l’astronomie est l’étude de la mécanique des astres, l’astrophysique l’étude de leur nature physique (celle peut-être qui mériterait le plus l’appellation « d’astrologie »), notre astrologie occidentale elle, est l’étude des effets sur l’Homme des positions des astres, ou au moins du sens que l’on peut en tirer.

 

Or, l’astrologie chinoise semble plutôt être une étude des effets sur les hommes de l’écoulement du temps : notre astrologie interprète le trajet des planètes et des luminaires dans son zodiaque là où l’astrologie chinoise est beaucoup plus calendaire. En effet, il y a 12 « signes » astrologiques chinois définis comme des périodes de temps (et non géométriquement comme pour la notre), ils se colorent de 5 éléments (eau, terre, feu, bois et métal), ce qui permet de définir un grand cycle de 5*12=60 ans. Un ascendant existe aussi, on compte 12 heures par jour de 120 minutes, mais à la différence de l’astrologie occidentale, on a le même « ascendant » toute l’année pour une même heure. Il y a donc des convergences de vocabulaire entre les deux astrologies, mais beaucoup de différences au niveau conceptuel.

 

De plus, si pour en justifier l’appellation on peut remarquer que le calendrier chinois calcule le début de l’année sur les rythmes de la Lune, ce choix se situe sur le plan purement temporel et n’a en rapport avec l’astre lunaire que des dates (et 12 mois pour 13 lunaisons). L’astrologie chinoise traditionnelle utiliserait en tout 111 astres, mais dans toutes les présentations de celle-ci, même un peu sophistiquées, les « astres » en question ne sont jamais utilisés.

 

S’il y a une différence entre l’astrologie chinoise et l’astrologie occidentale telle qu’elle nous est présentée en général, c’est donc bien l’utilisation très élaborée que nous faisons des astres errants : l’astrologie occidentale est réellement astrale là où l’astrologie chinoise est temporelle, presque calendaire, on parle aussi de chronomancie. Elles utilisent toutes deux l’arithmétique, mais l’astrologie occidentale s’impose comme contrainte de dépendre aussi, dans certaines mesures, de données astronomiques (point vernal, aspects, maisons, ascendant, etc), dont la réalité des déplacements de ses astres, ce dont l’astrologie chinoise ne semble pas vraiment tenir compte, malgré son appellation.

 

En fait, l’astrologie occidentale affirme l’importance de se baser sur une certaine réalité du système solaire observé de façon géocentrique là où l’astrologie chinoise semble occulter cette réalité spatiale et se concentrer uniquement sur l’immersion de l’Homme dans des cycles purement temporels. A ce sujet, les cycles de l’astrologie occidentale sont de durées différentes et se recoupent de façon presque désordonnée en renvoyant une image dynamique et vivante de notre discipline, là où l’astrologie chinoise donne elle, l’impression d’un système super ordonné, presque rigide, et bien loin de des « astres » qui lui donnent son nom.

 

Pourquoi remettre en question cette appellation « d’astrologie » ? Parce qu’elle ne semble plus justifiée certes, mais en même temps, ne nous dessert-elle pas en ces temps où l’astrologie est en recherche de reconnaissance ?

 

Serge Bret-Morel