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Richard PELLARD

(au moment où il écrit cet article, il est directeur de rédaction de la revue Astrologos)

 

 

"Le Pape sermonne les astrologues"

France-Soir - Jeudi 3 janvier 2002

 

Pour le nouvel an, le souverain pontife s'est attaqué aux faiseurs d'horoscopes.

"Il ne sait pas de quoi il parle", rétorquent les astrologues.

Que vous croyiez en Dieu, dans les astres ou dans les deux, France-Soir vous propose votre horoscope de l'année.

 

"Recourir à l'astrologie, c'est s'inscrire contre la foi"

Jacques Arnould est dominicain, théologien, auteur de Dieu, le singe et le big bang (Editions Cerf). Il décrypte le message papal.

Comment interpréter cette allocution du pape Jean-Paul II ?

Jean-Paul II a voulu rappeler que notre histoire, nos histoires, ne sont pas écrites dans le ciel comme elles le seraient dans la pierre ou sur un programme informatique. Certes, la Bible nous dit que nos existences sont dans la main de Dieu, mais n'y sont pas enfermées. La cour du pape a recouru jusqu'au milieu du XVIe siècle à l'astrologie : les prélats croyaient comme leurs contemporains que les astres étaient mus par des forces venant directement de Dieu, éventuellement des anges, et que les destins de l'humanité s'inscrivaient dans leurs trajectoires. Nous savons désormais que ce sont les lois de la physique qui règlent ces mouvements. Pour suivre de près l'aventure spatiale, j'aime à dire que désormais, ce n'est plus notre destin qui est écrit dans les étoiles par le doigt de Dieu, mais nous qui inscrivons nous-même notre destin dans les étoiles.

Astrologie et sciences occultes sont-elles antinomiques avec la religion ?

Recourir à l'astrologie et aux autres formes de voyance, c'est non seulement donner à ces pratiques un pouvoir qu'elles ne possèdent pas, mais c'est aussi s'inscrire contre la foi en Dieu Créateur de l'Univers et de l'humanité. C'est dans la nature de l'Homme de s'interroger sur son avenir. Sans doute est-ce l'un des caractères qui nous distinguent des animaux. Le croyant n'a aucune raison de l'ignorer, mais il doit agir en cohérence avec sa foi. D'une certaine manière, astrologie et sciences occultent comblent un manque pour ceux qui n'ont pas la foi.

Avons-nous la possibilité de lire l'avenir ?

Nous n'en avons pas la possibilité. Les boules de cristal ou les prévisions informatisées se trompent bien souvent. Il ne faut pas écarter toutefois la possibilité, pour certains humains, d'avoir une certaine vision de l'avenir.

Comme les prophéties de la Bible ou de Fatima ?

Ces prophéties sont reconnues par la tradition chrétienne. Je dirai simplement qu'elles ne sont pas nécessaires à la foi. Bien plus, elles doivent se plier à la foi, aux exigences du message évangélique.

 

L'homme aime s'interroger sur son avenir, surtout dans les moments dramatiques de l'Histoire. C'est ce qu'a rappelé, au jour de l'An, le pape Jean-Paul II lors du traditionnel Te Deum de remerciements. "Chez l'homme, a-t-il dit, le désir est bien vif de connaître le sens et la dynamique des événements personnels et communautaires dans lesquels il est impliqué. Il aimerait savoir avant ce qui arrivera après, de façon à ne pas être pris par surprise. Jésus, cependant, n'a jamais satisfait cette curiosité". Jean-Paul II a voulu mettre en garde les dévoreurs quotidiens d'horoscopes : "Jésus nous exhorte à ne pas chercher inutilement à connaître tout ce qui est réservé à Dieu".

Cette condamnation s'ajoute à toutes les autres qui furent prononcées dans ce domaine précis durant des siècles par l'Eglise. Pourtant, les sorciers, astrologues et spécialistes de l'occulte avaient tenté, il y a quelques années, de faire la paix avec Papa Wojtyla. Ils se présentèrent en masse à Saint-Pierre, à l'audience générale, pour tenter d'établir le dialogue avec les prêtres, "qui sont des astrologues depuis que le monde existe", aux dires de Mario Davanzo, à l'époque secrétaire général de L'Album professionnel européen des consultants opérateurs de l'astrologie, de l'herboristerie, du traitement des maladies par le magnétisme, de la bioplasmalogie, du paranormal et de l'occulte. Mais les choses ont mal tourné. Jean-Paul II ne leur prêta aucune attention.

 

Océan d'incompréhension

On ne compte plus les interventions du théologien moraliste de l'Osservatore Romano, le père Gino Concetti, qui s'est surtout fâché contre les sortilèges et les mauvais sorts. Il est soutenu dans cette bataille par Mgr Ennio Antonelli depuis qu'il est archevêque à Pérouse, qui avait dénoncé, non seulement les porte-bonheur, les astrologues, les cartomanciens, les diseurs de bonne aventure, le spiritisme, le satanisme, la magie et la sorcellerie mais également les attouchements sur le corps, contraires au respect de la personne.

En réalité, l'Eglise n'a pas toujours condamné l'astrologie et les arts divinatoires. Son détachement remonte à la bulle Cœli et Terræ Creator, signée par Sisto V en 1566. Quelques années auparavant, en effet, la cour pontificale les avait même employés comme instruments de gouvernement. Comme tout le monde à l'époque ! Nostradamus est bien contemporain des papes de la Renaissance.

Dans cet océan d'incompréhensions mutuelles, l'unique théologien qui a continué à prêter attention aux phénomènes paranormaux a été l'Australien Andréa Rœsch, professeur de parapsychologie à l'université de Laterano, en Italie : il est le seul prêtre au monde, aujourd'hui, à faire tourner les tables et à parler aux séminaristes d'ectoplasmes. de feux follets, de télépathie et de cuillers pliées à distance.

 

 

Exorciste

 

L'astrologie et la "nuit de la foi" d'un curé de campagne

Je pratiquais l'astrologie depuis une dizaine d'années lorsque, par l'intermédiaire d'une relation commune, je fis la rencontre d'un curé de campagne qui s'intéressait à la science des astres. Il me confia alors que lorsqu'il était au séminaire, dans les années 1930, de très nombreux candidats à la prêtrise étaient comme lui. Je fis alors avec lui l'étude de son Thème natal et, croyez-moi, ce n'était pas un mystique illuminé : plutôt le genre de curé qui trimballait sa caisse à outils dans sa vieille 2CV pour rendre service à ses paroissiens là où il savait que les prières étaient inefficaces.

Quelques années plus tard, il demanda à me revoir. Il traversait une terrible période de doute, de "nuit de la foi" comme disent les chrétiens, et voulait savoir si cette difficile épreuve pouvait être explicable par des échéances astrologiques. C'était effectivement le cas : il traversait une période où ses modèles, principes et valeurs directrices (pour lui, la foi en Dieu) étaient profondément déstabilisées, remises en question. Nous en parlâmes longuement ensemble. A la suite de cet entretien, il comprit qu'il lui était nécessaire de transformer son rapport personnel au divin pour ne pas perdre définitivement la foi, ce qu'il fit avec de grandes difficultés. Finalement, sa foi en ressortit confirmée et approfondie.

Cette anecdote illustre à merveille les rapports que peuvent entretenir astrologie et religion. C'est dire ma consternation lorsque j'ai lu les propos de Jean-Paul II et de ses gorilles théologiens contre l'astrologie, par ailleurs amalgamée à la voyance et à toutes sortes de pratiques magiques, alors qu'elle n'a rien à voir avec tout ça. Comme les scientistes rationalistes, le pape et ses théologiens ignorent tout de ce qu'ils dénoncent. Affirmer que "Recourir à l'astrologie, c'est s'inscrire contre la foi", comme le fait le dominicain Jacques Arnould est une insulte à la mémoire et à la foi de mon ami le bon curé de campagne, aujourd'hui décédé. L'astrologie n'est pas affaire de croyance, mais d'expérimentation empirique. On ne croit pas aux astres comme on croit en Dieu, à moins d'être astrolâtre, et je sais par expérience que les astrolâtres font de mauvais astrologues.

Je trouve par ailleurs que le pape et ses prélats ne manquent pas de culot. L'ancien comme le nouveau Testament sont plein de prophètes. Jésus lui-même était un prophète, c'est-à-dire un prédicateur d'avenir, et un guérisseur aux incroyables pouvoirs magiques, si incroyables qu'ils laissent sceptique l'astrologue mécréant et agnostique que je suis. Je signale par ailleurs que chaque archevêché a son exorciste officiel dont la mission est de désenvoûter les paroissiens assaillis par Satan ou d'autres diablotins, ce qui n'est pas pire que de croire au spiritisme.

L'astrologie n'a pas de leçons de morale ou de réalisme à recevoir de clercs persuadés de la réalité d'une histoire irrationnelle et abracadabrante selon laquelle un être mi-homme mi-dieu serait descendu sur Terre pour être enfanté par une Vierge, sauver l'humanité et ensuite remonter siéger, son corps glorieusement ressuscité, dans les nuages à la droite d'un Dieu barbu. On a certes le droit de croire à cette histoire, comme on a le droit de croire à toutes les histoires qui nous font peur ou plaisir. Mais nul n'a le droit, en s'appuyant sur ce conte de fées, de faire le procès de l'astrologie sérieuse, qui n'a rien à voir avec l'horoscopolâtrie et qui n'est en rien l'ennemie de la raison ni de la foi, n'en déplaise aux anti-astrologues scientistes et cléricaux.

 

Richard Pellard