Lettre adressée à Jean-Louis SERVAN-SCHREIBER,
directeur de la publication de " Psychologies Magazine"

Nimes le 23 Décembre 2000

Cher Monsieur,

Lorsqu'au printemps dernier Mme Isabelle Maury - sur les conseils de Jean-Yves Casgha qui suit mon travail et mes recherches depuis de nombreuses années - m'avait sollicité pour participer à un dossier que votre titre voulait consacrer à l'Astrologie, je n'imaginais pas que ce projet fort louable aboutirait à la mise en vedette du seul brouet anti-astrologique concocté par Gérard Miller dont le dernier numéro de " psychologies " a cru bon d'assurer la promotion ; avec une visible complaisance, sans aucune distance et sans aucun esprit critique apparents. Dispositions qui me paraissaient pourtant constituer les deux qualités principales du métier de journaliste.

A preuve de l'accueil favorable réservé à la production de G. Miller, les termes de " traité d'astrologie " utilisée par votre collaboratrice. Une distraction ? Peut-être ; il est vrai aussi que beaucoup de journalistes devraient redécouvrir la richesse et la précision de notre langue. Alors que l'auteur lui-même, avec une humilité qu'on ne lui connaissait pas, préfère parler de " pamphlet " . Terme plus adapté à la qualité de ce travail, bien plus proche - d'après moi - de la pochade à visée commerciale.

En tant que lecteur et abonné de votre publication, en tant qu'astrologue attaché à une discipline pour la défense de laquelle j'ai entrepris la rédaction d'une thèse de doctorat sous la direction du Pr. Jean-François Mattéi, membre de l'Institut Universitaire de France, professeur à l'Université de Nice et à l'Institut Politique d'Aix-en-Provence, je me permets donc de vous adresser mes plus vives protestations et de solliciter de votre part un droit de réponse.

En étayant ma demande de quelques réflexions qui, je l'espère, ne laisseront pas indifférent le responsable d'un très grand mensuel d'information psychologique dont on attend autre chose que la mise en vedette de " pamphlets " douteux.

On peut aimer ou détester l'astrologie, comme on peut aimer ou détester la psychanalyse, la psychologie, la philosophie, la poésie, l'histoire, la sociologie ou tout autre discipline qui n'ont de " sciences " que le nom tant le champ de leur activité se trouve morcelé en toutes sortes de théories, d'écoles, de méthodes, de points de vue, de chapelles irréconciliables les unes avec les autres ; mais on ne peut - quand on se prétend universitaire ou " scientifique " - exciper de l'autorité conférée par ce statut, pour se laisser aller à publier, dans un domaine qu'on ne maîtrise pas, un livre basé sur l'ignorance manifeste et le sectarisme.

Sectarisme qui réifie la pensée de G. Miller. Un exemple : il s'étonne de ce que " 80% de nos concitoyens se soient laissés berner par [le] tyran Pétain " (que vient faire Pétain dans un article consacré à l'astrologie ?) mais, en d'autres lieux, il se déclare toujours " maoïste " et les millions d'être humains sacrifiés - souvent avec une cruauté inouïe - par son maître à penser ne le questionnent pas, ne le gênent pas. Sans doute parce qu'ils ont été assassinés au nom de principes philosophiques qui conviennent à notre Fouquier-Tinville du petit écran. Que penser alors des quelques centaines d'égarés - auxquels Gérard Miller se flatte d'appartenir -, qui, dans notre pays, " se sont laissés berner par le tyran Mao ? " et qui monopolisent souvent la parole publique ? La réponse de M. Miller m'intéresserait fort.

L'ignorance maintenant : Gérard Miller avoue dans ce même article s'être contenté de consulter trois ou quatre ouvrages " pour écrire son pamphlet. Quel crédit apporter à quelqu'un qui, voulant vraiment comprendre une discipline de l'intérieur avant de former son jugement, se contente de consulter trois ou quatre ouvrages " ? Est-ce ainsi que fonctionnent les psychanalystes ? Est-ce ainsi qu'ils se forment et qu'ils prétendent traiter " leurs patients ? Je comprends mieux pourquoi certaines personnes viennent me consulter après dix années d'analyse pour essayer de mettre un peu de sens dans une existence " reconstruite " par des années d'interprétation analytique.

De quoi justifier ceux qui ont toujours manifesté de très vives réserves contre la psychanalyse, comme Debré-Ritzen, Dugast Rouillé, Karl Popper. Ou ceux qui se contentent de s'interroger sur son réel statut " scientifique " comme Mikkel Borch-Jacobsen ou Henri Ellenberger pour qui " le fondateur de la psychanalyse s'est montré parfois ambigu à l'égard de certains faits célèbres. Ainsi la guérison d'Anna O. n'aurait pas été réelle, et Freud se serait abstenu d'en faire cas pour ne pas nuire au succès de sa théorie " . Ou encore Bertrand Méheust (philosophe et sociologue) qui se demande pourquoi [Freud a] peur - de façon obsessionnelle - de la trahison de ses disciplines, s'il est convaincu du caractère objectif de ses découvertes ?
Sans doute parce qu'à l'inverse de l'hypnose et de la métapsychique mises à l'index, dont les faits, s'ils sont réels, sont visibles par eux-mêmes (comme la lecture à travers les corps opaques) les matériaux observés par Freud (lapsus, rêves, actes manqués.) ne sont pas visibles sans un arrière-plan théorique, sans tout un système d'interprétation qui fait corps avec eux " .

Freud lui-même, avouait à Giovani Papini vers la fin de sa vie, que au fond, " la psychanalyse n'est rien d'autre que l'interprétation de ma vocation littéraire en termes de psychologie et de pathologie " . Si je comprends bien la pensée du maître : la psychanalyse c'est du roman ! Passionnant certes, mais du roman. J'arrête là l'évocation de ce florilège anti-psychanalytique non sans préciser que l'idée centrale de Bertrand Méheust pourrait être exprimée de la sorte : en prétendant libérer ses patients, Freud construit en fait leur univers mental selon les plans de sa théorie psychanalytique, elle-même à géométrie variable . Et je pourrais multiplier les citations venant de personnalités fort autorisées qui considèrent que la psychanalyse n'est pas une science et ne le sera jamais ; mais qu'elle pourrait bien représenter, comme le marxisme dénoncé il y a peu par un historien célèbre, une prodigieuse " illusion ".

Ces interrogations nous permettent de mieux comprendre pourquoi M. Miller qui ne comprend rien à l'astrologie (et qui ne cherche pas honnêtement à se documenter) insiste sur le fait (rédhibitoire à ses yeux) que parce que nous ne savons pas qui nous sommes et [que] dans une quête éperdue d'identité, nous sommes prêts à nous retrouver sous les masques les plus variés " l'astrologie trouve son succès dans les réponses fallacieuses qu'elle offre à cette quête. Alors que, Dieu merci " la psychanalyse, à l'inverse, n'offre ni baume ni mirage : elle vise à nous faire repérer ce à quoi notre vie est accrochée, quel désir inconscient nous tient et nous oriente " .

Nous sommes au cour du problème : le champ de l'astrologie contemporaine (celle qui naît aux alentours de années 60) recouvre et déborde celui de la psychanalyse et elle permet très souvent de débrouiller des situations que la psychanalyse aurait mis des mois, voire des années, à découvrir. Certes elle n'est pas une thérapie et ne se prétend pas telle mais elle permet souvent à quelqu'un de ressaisir les fils de son existence sans avoir à passer par des années d'analyse. On oublie trop que l'offensive psychanalytique apparue en un siècle d'extrême répression de la sexualité d'après Philippe Ariès, aboutit à la situation paradoxale que plus elle étend ses conquêtes, plus les comportements puritains qui avaient favorisé son influence disparaissent au profit de l'érotisme et de la pornographie étalés partout, et plus nos contemporains se sentent mal dans leur peau, angoissés, égarés au cour d'un monde devenu inhumain. Chose étrange qui doit nous interroger sur sa nature bienfaisante et sur son efficacité sociale, vous en conviendrez.

La psychanalyse, pour asseoir sa domination, creuse-t-elle sa propre justification dans la conscience de nos semblables et, telle le Dr Knock, invente-t-elle les symptômes qu'elle aura à soigner ?

Et voilà une partie des reproches que M. Miller formule contre l'astrologie qui se retourne contre sa propre pratique : au " ridicule " de l'astrologue affirmant " je sais qui tu es et ce que tu veux " (sic)..et qui ne reverra jamais son consultant s'il n'est pas à la hauteur de sa tâche, on peut opposer le ridicule autrement plus manifeste et plus odieux d'une certaine pratique analytique : " je sais de quoi tu souffres, je vais te soulager, mais ça va te prendre dix ans ; et si tu n'arrives pas à digérer ton oedipe, ne t'inquiète pas, j'assurerai le service après-vente pour dix ans de plus ; à raison de trois ou quatre fois par semaine. De toutes façons les problèmes existentiels, par essence ne se résolvent jamais, alors tu vois, on a la vie devant nous car on trouvera toujours quelque chose qui cloche " .

Quelle merveilleuse sinécure assurée quand on connaît le coût d'une cure psychanalytique ! Que pèse, en comparaison, le prix d'une consultation astrologique isolée dans le cours d'une existence ?
Voilà donc une première réalité insupportable : le psychanalyste projette sur l'astrologue une ombre énorme et cela le rassure. Psychologiquement si ce n'est moralement.

Mais il y a pire. C'est le fait (évoqué plus haut) qu'on peut faire à la psychanalyse le même reproche - rédhibitoire - qu'à l'astrologie : la non-scientificité (apparente ou véritable, fondée ou réelle, peu importe) des principes sur lesquels elle repose.

Et Gérard Miller s'il est clairvoyant (ce dont je doute devant la suffisance de ses propos) ne peut échapper au piège qui se referme sur lui et sur le système qu'il défend :

- soit on considère la non-scientificité de ces deux disciplines (non reproductibilité des phénomènes, aucune possibilité d'établir chacune des deux activités sur les bases hypothético-déductives du rationalisme pur et dur qui seul fonde le concept de " science " , interprétation hasardeuse de symboles à travers une théorie devenue, en matière de psychanalyse, une véritable " scolastique " ). Danger immense pour la psychanalyse qui a eu l'imprudence de se constituer sur un discours pseudo-scientifique qui lui assure considération et respectabilité au sein de l'académisme officiel et singulièrement de l'Université.
Si le pot-aux-roses était découvert, il nous faudrait alors jeter aux orties les théories de Freud avec leur compagne d'infortune, l'astrologie, qui, comme la dite psychanalyse est un art et non une science. Avec la seule différence que c'est un art étayé par trois mille ans de pratique et dont aucune culture au monde n'a cru devoir se dispenser.
Ce qui est loin d'être la cas de la psychanalyse qui s'est bâtie sur les intuitions d'un seul homme et de ses épigones. Comme le marxisme son compère en matérialisme.

- soit on accepte de considérer que le réel (et singulièrement le réel humain) est susceptible d'être appréhendé sous un autre regard que celui que le rationalisme, le scientisme, le positivisme ont établis souvent de manière totalitaire. On considère, par exemple, qu'il y a une autre lecture possible du composé homme/univers que celle imposée par le causalisme ou le mécanisme, autre lecture dont l'expression la plus achevée - mais toujours perfectible - est ce qu'il est convenu d'appeler " l'astrologie " (pour ma part je préférerais utiliser le mot d'anthropocosmie). On reconnaît enfin que certaines disciplines peuvent atteindre une " vérité " , fonder un " sens " inaccessibles à la science ; et que ces disciplines sont des " arts " irremplaçables, orientés vers la sagesse et non vers la production comme la science et la technologie.

On considère, dans le même temps, que la psychanalyse doit se reconnaître comme non-scientifique au sens absolu du terme et qu'elle doit se penser comme un de ces arts au même titre que l'astrologie (d'ailleurs Freud - on l 'a vu plus haut - reconnaît que la psychanalyse n'est que le résultat d'une vocation artistique manquée).

Et dans ce deuxième cas, l'astrologie, débarrassée de ses oripeaux mercantilo-magiques, libérée de ses archaïsmes, retrouve le rôle éminent que la science académique veut lui contester depuis 1666. Elle le retrouve aux côtés de la psychanalyse, mais d'une psychanalyse délestée de ses prétentions à dire le vrai sur " le tout de l'homme " en tant que prétendue " science " à vocation universaliste. La psychanalyse rentre dans son lit et elle reconnaît alors qu'elle n'a plus rien à dire sur l'astrologie, sur l'art, sur la culture, sur la politique (et j'en passe) et qu'elle doit se contenter de traiter des névroses et des hystéries - pour autant qu'elle puisse vraiment le faire - et se taire modestement sur tout le reste. Une bonne fois pour toutes. Quel soulagement pour tous !

Gérard Miller ressent peut-être la portée de ces enjeux. Toute prétention à la vérité absolue sur tout, en se radicalisant, porte à proférer des âneries et à lancer des anathèmes. Son statut de psychanalyste-héraut-officiel-de-la-science (science soupçonneuse, nous l'avons vu, vis-à-vis de cette fille abâtardie issue des intuitions d'un médecin viennois) pourrait être remis en question. Il faut qu'on continue à l'inviter à pérorer, de tout et de rien, pour juger, trancher et condamner (surtout condamner : Gérard Miller a certainement raté une brillante carrière de commissaire du peuple) : pérorer de l'astrologie, du gouvernement de Vichy, de la voyance, de l'élevage des escargots de Bourgogne, de la sexualité de l'hippocampe, du port du jean's et du tchador, du pape, du raï, de la recette des concombres à la menthe et j'en passe. Gérard Miller est phagocyté, mangé, détruit, par sa " persona " comme dirait Jung (horresco referens !)

Alors il faut détourner l'attention pour se rassurer, il faut projeter sur l 'astrologie ses propres faiblesses doctrinales, il faut se défouler de ses propres doutes, craintes, angoisses de ne pas être aussi " scientifique " impartial " " objectif " qu'on veut tant le paraître. Il faut surtout se défouler sur l'autre des accusations de charlatan, escroc, illusionniste, dont le grand public ne manquerait pas d'abreuver les psychanalystes si, d'aventure, la thématique freudienne perdait le statut de " tables de la loi " pour les autres sciences humaines. Ce qui explique la veulerie de certains penseurs à son égard. Bref il faut un bouc émissaire qui satisfasse ce petit monde des bien-pensants qui décide de l'alpha et de l'oméga de ce qu'il est convenu de penser.

L'astrologie devient alors " l'ombre " de la psychanalyse, le petit caillou dans sa chaussure ; son double honteux, son " impensé " . Et d'ailleurs, quand on lit le dernier ouvrage de Gérard Miller, il est vraiment difficile de parler de " pensée " . Sauf à évoquer le degré zéro d'une réflexion digne de ce nom.

Il faut comprendre cet homme : il s'est constitué un personnage de procureur tel, qu'il n'a plus besoin de connaître quoi que ce soit pour dire le vrai. Un psychanalyste inspiré et engagé tel que lui, peut tout expliquer, tout régenter, il est l'autorité qui délivre l'imprimatur et le nihil obstat à toutes les autres activités de l'esprit humain. Il n'a d'ailleurs certainement choisi la psychanalyse que pour cela : débusquer les désirs inavoués de liberté de pensée de ses semblables et les remettre dans le droit chemin du positivisme mâtiné de matérialisme dialectique. Un vrai Trissotin de la pensée unique.

Or, de nos jours, il n'est de magistère que médiatique : il a donc dû se créer un solide réseau de copains bien placés, qui l'invitent pour nous évangéliser. Tout ce qui se dit " dans le poste " ou " derrière les étranges lucarnes " devenant la vérité à force de rabâchage, de simplification et d'exclusion de ceux qui pourraient penser différemment, il devient l'un des phares de la connaissance contemporaine, un " Danube du correctement pensé " . Comment conserver ce statut si d'aventure on s'apercevait que la psychanalyse n'est pas mieux lotie (et c'est un euphémisme) que l'astrologie ?

Vous souriez ? Vous avez raison. Je voulais simplement vous démontrer que même les astrologues savent caricaturer ceux qui offrent des verges pour qu'on les batte. Vous répondrez peut-être : " ah, vous affabuliez !". Pas tant que cela : j'ai suivi la logique d'une explication psychanalytique extrêmement cohérente et totalement " infalsifiable " des motivations cachées (que je devine ou que j'invente) chez Gérard Miller quand il s'attaque à une discipline qui ne lui demande rien, qu'il ne connaît que par ouï-dire et qui ne lui cause aucun tort. C'est le genre d'exercice que ce charmant homme pratique à longueur d'année, sans que personne ne lui dise : " ça suffit l'artiste, votre numéro ne nous amuse plus, vos insupportables prestations télévisées ont assez flatté votre ego et votre compte-épargne, lâchez nous les baskets ! "

Vous ajouterez peut-être : " vous exagérez ! " Voire. Supposons que nous nous trouvions dans la position inverse, Miller et moi ; tel que je l'entends quelquefois décider sans appel de ce qu'il faut croire ou ne pas croire dans telle ou telle émission, je ne suis pas sûr qu'il n'en rajouterait pas une cuiller de plus sur mes " délires interprétatifs " le ridicule de ma posture de maître " et sur mes " résistances " à entendre le vrai.
Mais ce qu'il est important de souligner, c'est, qu'en fait, nul ne peut décider objectivement si mon explication de son comportement est " vraie " ou ne l'est pas ; si je m'amuse ou si j'affabule, si je délire ou si je raisonne " clairement et distinctement " parce que personne ne peut décider si une explication à prétention psychanalysante est ou n'est pas conforme à la vérité. D'où les délirantes, quelquefois désopilantes, mais hélas souvent tragiques batailles d'experts psychiatres dans des procès criminels dont savent si bien se servir les avocats. Qui nous souvent feraient rire s'ils n 'aboutissaient pas, en de nombreuses occasions, à l'internement de gens sains d'esprit - criminels ou non - ou à la libération de dangereux maniaques récidivistes qui feront la " une " quelques années plus tard. En toute scientificité psychiatrique.

Pour ma part, j'ai toujours pensé que c'était l'honneur et la grandeur de la presse écrite que d'établir cette distance par rapport au sensationnel, au caricatural et à l'outrancier dont se repaissent la radio et surtout la télévision. La presse écrite procure un espace de réflexion, précieux dans une époque de prêt-à-penser médiatique ; mieux, elle ne peut se concevoir sans créer cet espace, car, on peut entendre toutes sortes de sottises à la télé, mais, ça va vite, on les avale et on n'y repense heureusement plus. Tandis qu'un article écrit, ça se lit, ça se relit et les outrances, les sottises et la méconnaissance du sujet finit toujours par apparaître. Surtout quand l'accusateur parle de corde dans la maison du pendu qu'il est potentiellement.

Il me semble (mais il est vrai que je suis juge et parti) que, dans le cas précis qui nous occupe, " Psychologies " paraît avoir failli à son devoir d'objectivité et de neutralité. Nous n'achetons pas et nous ne nous abonnons pas à cet excellent mensuel pour qu'on nous resserve les mêmes affirmations partiales et orientées que celles qui nous sont imposées - sous le masque du " débat " - dans les émissions télévisées ou radiophoniques, ou dans des dossiers " journalistiques qui se répètent inlassablement les uns les autres (voir le dernier de l'Express consacré à ma discipline déjà lu dix fois ailleurs, y compris dans l'Express lui-même il y a quelques années) par des personnages qui n'ont pas l'ombre de la qualification nécessaire pour nous dire ce que devons croire, penser, accepter, faire, espérer ou rejeter.
Et pas seulement en Astrologie d'ailleurs.

Pour terminer, je voudrais attirer votre attention, non plus sur le fond, mais sur la méthode de Gérard Miller. Il veut écrire un pamphlet sur l'astrologie. Soit. Or il ne fait que reprendre un certain nombre d'âneries qui sont écrites par tel ou tel auteur pour des raisons uniquement mercantiles, sur les seuls signes de naissance, considérés comme des portraits absolus d'une personnalité. En fait, il a certainement cherché sa documentation et son inspiration dans les horoscopes que nous sert la presse quotidienne qui désole les professionnels véritables. Il voulait porter un coup mortel à l'astrologie, il n'a fait qu'atteindre sa caricature comme tous ceux qui veulent la condamner sans la connaître. Ce dont je leur suis extrêmement reconnaissant car ils purifient le champ de la réflexion qui doit se constituer à son sujet.

Pour écrire un pamphlet sérieux et documenté, il aurait pu lire " Les cycles du devenir " d'Alexandre Ruperti, ou " Le rythme du zodiaque " de Dane Rudhyar ou " La roue de l'expérience individuelle " ou " La condition solaire " de J.P Nicola, ou " L'Astrologie Globale " de C. Santagostini, et il aurait découvert à travers le travail de ces différents auteurs, fort compétents et fort connus, que le zodiaque est un processus global dont aucun élément, aucune étape, aucun " signe " ne peut être séparé des autres, sous peine d'amputation et de simplification idiote, et que nous le vivons dans sa totalité. Il aurait peut-être compris (mais il n'est pire sourd...) que c'est par simplification outrancière - et encore une fois mercantile - qu'on en est venu à plaquer un certain nombre de dispositions caractérologiques ou comportementales définitives sous chacun des signes solaires, en en faisant des absolus ineptes et en oubliant la globalité irréductible d'un thème natal. Structure planétaire, domification, configurations et j'en passe, ont un rôle essentiel à jouer dans l'économie d'un thème de naissance qui ne peut en aucune façon se réduire au fait que je sois né Balance ou que vous soyez né, cher Monsieur, sous le signe du Scorpion.

C'est le rôle de l'interprète que de synthétiser la multiplicité vivante de toutes ces informations pour en faire un tout construit, cohérent porteur d'un sens pour la personne et traçant l'itinéraire de son existence. Tâche jamais achevée, jamais définitive car chaque thème reproduit une expression particulière, individualisée où la vie se condense et se manifeste. Et qui pourrait épuiser le sens de la vie ?

Les méthodes - grossières à tous les sens du terme - de Gérard Miller s'apparentent à celle d'un universitaire qui voulant décrire un état des lieux de la littérature française en cette fin de siècle, aurait été acheté Lui, Voici, Entrevue et Biba et nous aurait concocté un livre où la sottise l'aurait emporté sur la suffisance et à la pédanterie. Ou d'un sociologue voulant rendre compte du statut de la femme en France, qui se serait contenté, pour construire son enquête, d'interviewer trois ou quatre prostituées du bois de Boulogne. Que penser de pareilles méthodes ?

Certes il s'agit d'un pamphlet. Mais l'art du pamphlet est difficile et n'est pas Léon Bloy, Léon Daudet, Barbey d'Aurevilly (horresco referens bis) qui veut. Pour qu'un pamphlet atteigne sa cible, il faut qu'il soit crédible et que son auteur, d'une sobre érudition, ait mis à jour la nature même de ce qu'il veut atteindre. De plus, pour savoir moquer il faut savoir rire et ne pas trop se prendre au sérieux : ce que fait mal Gérard Miller, Trissotin trop crispé sur son rôle de procureur médiatique pour que l'humour puisse le toucher de sa grâce.

Le pamphlet de Gérard Miller fera rire ceux qui non-pensent comme lui et qui partagent les mêmes préjugés hargneux et la même ignorance étoilée (comme aurait peut-être dit Gustave Thibon). Ils feront hausser les épaules aux autres ...s'ils le lisent !

Notamment aux nombreux consultants qui ont fait confiance aux astrologues sérieux (il en existe beaucoup) et surtout aux étudiants de tout âge que j'aie moi-même pu former à ma discipline, dont certains brillants universitaires qui n'ont vraiment rien à envier à la " culture scientifique " de Gérard Miller. Bien au contraire.

En souhaitant que vous ayez été sensible à un plaidoyer où je me suis efforcé de mettre quelques sourires, malgré le regret ressenti à voir vu publier un tel non-article par un journal que je respecte beaucoup ... sauf à penser que " psychologies " soit devenu un mensuel humoristique.
En espérant que soit entendu cet appel que je vous lance pour que psychologies " donne à l'astrologie les moyens de répondre à l'interview de Gérard Miller comme il se doit : sans agressivité mais sans concession, En vous priant enfin, d'excuser la longueur de ce texte dont la lecture vous aura pris un temps que je devine précieux,

Je vous prie de croire, cher Monsieur, à l'expression de mes sentiments les meilleurs, d'avance reconnaissants et particulièrement choisis. Auxquels je joins mes voeux bien sincères d'expansion pour votre titre, et de bonheur pour votre personne et ceux qui vous sont chers. }

Louis SAINT MARTIN