Le pouvoir occulte des
astrologues
par
Historia
Janvier 2004
Charlemagne et ses astrologues
Rodolphe II, l'empereur alchimiste
Nostradamus : ce qu'il avait annoncé
- La mort d'Henri II
- Les étapes de la vie de Hitler
- Guerres et amours napoléoniennes
- L'exécution de Louis XVI
- Franco et les puissances de l'Axe
Le médecin des têtes couronnées
Les Prophéties, un témoignage des guerres de Religion
Des hommes politiques en quête d'avenir
Cette année 2003 marque le 500e anniversaire de la naissance de Nostradamus. Et l'indéboulonnable mage continue à faire parler de lui, preuve que les arts divinatoires font toujours recette, malgré les dénégations de notre société qui se veut rationnelle. Alors que ses Prophéties font l'objet de maints commentaires, suscitent des polémiques pouvant conduire à l'anathème, voire au manque de cordialité, on constate que le pouvoir des astrologues n'a jamais été aussi réel ni aussi... occulte. Car ils sont légion, les hommes d'Etat du XXe siècle à interroger un astrologue à un moment ou à un autre de leur carrière afin de connaître l'avenir. Solitude du pouvoir, recours à l'irrationnel comme outil de prise de décision, désir d'anticiper quelque peu les événements ? Ou curiosité pure et simple, partagée d'ailleurs avec le commun des mortels, si l'on en juge par le succès jamais démenti de la rubrique horoscope dans les journaux. Le problème, c'est qu'il est malséant d'en parler, surtout à un journaliste, comme le montre le peu d'empressement qu'ont mis les politiques à répondre à notre enquête (lire page 76) .
Les Anciens, en revanche, n'ont pas de ces fausses pudeurs. Ils consultent fréquemment, et certains astrologues de l'Antiquité font une belle carrière, tel le fameux Thrasylle d'Alexandrie qui passe presque toute sa vie dans l'intimité de l'empereur Tibère. A Rome, où il est important de ne pas contrarier les dieux, on s'informe auprès de l'augure pour savoir si telle ou telle entreprise, a fortiori une action militaire, reçoit ou non l'approbation du panthéon. Et gare à celui qui prend la réponse à la légère ! Lors des guerres puniques entre Rome et Carthage, en 249 av. J.-C., les poulets sacrés refusent de manger avant une bataille navale ; l'amiral romain les jette par-dessus bord en disant : « Qu'ils boivent ! » Evidemment, les Romains sont battus. En Grèce, c'est la pythie, grande prêtresse d'Apollon, qui est mise à contribution. On ne comprend pas toujours bien ce qu'elle dit, car elle abuse du laurier aux effets « stupéfiants ». Comme elle conseille aux Athéniens de se protéger « derrière une muraille de bois », Thémistocle comprend que cette expression désigne les navires, et il remporte la bataille de Salamine. Pour les Grecs comme pour les Romains, le destin n'est que l'expression de la volonté des dieux, lesquels ne sont pas toujours d'accord entre eux et se mêlent allégrement des affaires humaines, surtout en cas de conflit ; il n'est pas rare, à cette occasion, qu'on en vienne aux mains dans l'Olympe.
Au Moyen Age, époque où la religion chrétienne structure la société mais où les traces de paganisme n'ont pas disparu, on croit aussi à la justesse des présages. L'Eglise a beau condamner les pratiques magiques qui lui font une concurrence déloyale, tout le monde y a recours, princes, souverains et... prélats - pas le pape, tout de même. Le très respectable Grégoire, évêque de Tours, dont on ne saurait soupçonner la parfaite orthodoxie, se laisse aller à tirer les « sorts des saints », c'est-à-dire ouvrir au hasard une page de la Bible pour trouver la réponse à une question posée. Charlemagne en personne équipe son palais d'une table d'observation afin de scruter le ciel avant de se lancer dans une expédition. Mieux vaut connaître les mouvements des astres, car ils annoncent souvent des événements importants, graves, voire catastrophiques. Trois ans avant la mort de Charlemagne, il y a de fréquentes éclipses de soleil et de lune ; une autre éclipse de soleil avertit du décès de Louis le Pieux. Tout ceci montre, d'une part, que l'exactitude est la politesse des astres, d'autre part, qu'astronomie et astrologie sont confondues à cette époque.
Au XVIe siècle, les sciences s'émancipent de la tutelle de l'Eglise. Le médecin se fait alchimiste, l'astronome vous tire l'horoscope, tout le monde est à la recherche de la pierre philosophale, ce qui autorise bien des expériences. Paradoxalement, l'astrologie, pratique divinatoire, bénéficie des avancées de l'astronomie. Pour connaître le futur, il ne suffit plus de lever les yeux au ciel, il faut sortir la lunette et faire de savants calculs. En 1503 naît un certain Michel de Nostre-Dame, qui deviendra médecin avant d'être prophète.
Les Césars consultent
Les Grecs et les Romains ont des
techniques pour le moins originales pour forcer les dieux à leur dévoiler les
secrets du futur. Alors que les premiers s'en remettent directement à un oracle,
les seconds, plus rationnels, interprètent les présages.
Par Catherine Salles *
Pour connaître l'avenir, les Grecs et les Romains ont recours à de multiples pratiques divinatoires censées décrypter les signes donnés par les puissances invisibles. C'est ainsi qu'ils utilisent la divination par les sorts (cléromancie), par l'eau (hydromancie), par les oiseaux (ornithomancie) ou par l'évocation des âmes des morts (nécromancie). Les rapports entre le monde humain et le monde invisible traduisent des conceptions différentes chez les Grecs et chez les Romains. Les premiers privilégient une divination « naturelle » grâce aux oracles, aux songes et à l'enthousiasme prophétique (lire comprendre) . Si ces différentes pratiques permettent de connaître l'avenir, elles ne permettent pas de le modifier. Comme on ne peut conjurer la prédiction, elle suppose un destin inexorable. Les Romains, en revanche, pratiquent une divination « artificielle » découlant des présages ; chez eux, les signes divins sont interprétés grâce à des techniques issues de l'expérience. Cela leur permet en particulier d'annuler ce qui, dans le signe, ne correspond pas à la volonté de l'homme. Les Grecs font confiance à l'inspiration mystique grâce à laquelle l'homme peut communiquer avec le dieu. Plus rationalistes, les Romains s'appuient sur des techniques qui leur permettent de donner leur propre explication des signes mystérieux.
De nombreux sites oraculaires existent en Grèce. A Dodone, en Epire, Zeus indique l'avenir par le bruissement des feuilles d'un chêne sacré. A Lébadée, en Béotie, le consultant est introduit les pieds devant dans une crevasse ouverte dans la montagne. Un tourbillon l'aspire et il a des visions qu'à sa sortie les prêtres déchiffrent. Mais le plus grand de tous est sans conteste Delphes, placé sous la protection d'Apollon, dieu de la mantique. Dans ce « nombril du monde » - en grec omphalos , la pierre qui marque le point de rencontre entre deux aigles lâchés par Zeus aux extrémités occidentale et orientale de la Terre - viennent consulter simples particuliers, chefs d'Etat ou ambassadeurs des nations étrangères. « La femme que j'ai épousée me donnera-t-elle un fils ? », « Ai-je raison d'envisager cette opération commerciale ? », « Notre cité remportera-t-elle la guerre contre les ennemis ? », « Avons-nous une chance de fonder une colonie sur une terre inconnue ? », telles sont les questions que les pèlerins posent à la pythie, confidente des desseins divins. Les consultations ont lieu une fois par mois, sauf pendant les trois mois d'hiver. La pythie n'appartient pas à une famille sacerdotale et n'a pas de connaissances particulières. Aux premiers temps de l'oracle delphique, c'est une jeune vierge. Mais un consultant attiré par une prophétesse trop belle et l'ayant violée, on ne nomme plus qu'une femme âgée de plus de cinquante ans, soumise à une chasteté absolue. Lors de la période la plus prospère de Delphes, deux pythies sont en activité les jours de consultation.
Pour interroger la pythie, les pèlerins doivent acquitter une taxe, puis, après avoir fait leurs ablutions dans la fontaine de Castalie, se dirigent vers le temple d'Apollon, accompagnés du clergé apollinien et de la pythie. Dans le « bureau des oracles », on tire au sort l'ordre de passage. Certains consultants, pour service rendu au sanctuaire, ont des « cartes de priorité », ce qui leur donne le privilège d'être les premiers à questionner la prophétesse. Dans la crypte du temple d'Apollon, les pèlerins sont rassemblés dans une salle, tandis que la pythie officie dans le « saint des saints », cachée par un rideau. Assise sur un trépied, chaudron de métal à trois pieds coiffé d'un couvercle plat, elle mâche des feuilles de lauriers et entre dans un état de transes, l'enthousiasme, pendant lequel elle prononce des paroles incohérentes dictées par le dieu. Ensuite, les consultants reviennent au « bureau des oracles » où les prêtres rédigent le texte de la réponse divine. On conserve le procès-verbal de la consultation dans les archives du sanctuaire et on en remet une copie au pèlerin.
Ces oracles constituent généralement de véritables énigmes et on doit faire appel à des « exégètes » chargés d'interpréter les réponses. Celles-ci sont à double sens et l'interprétation n'est pas toujours évidente. La pythie est souvent amenée à prendre parti dans les luttes fréquentes entre les cités grecques et on la soupçonne de manquer d'objectivité. Pendant les guerres médiques, on lui reproche de « médiser », c'est-à-dire de rendre des oracles favorables aux Mèdes. Lors des conflits du Péloponnèse, elle « laconise » en favorisant les Lacédémoniens. Enfin, lorsque Philippe de Macédoine s'apprête à s'emparer de la Grèce, elle « philippise ».
Les Romains pensent que les dieux leur envoient des signes de toute nature et que c'est à l'homme de les interpréter et éventuellement de les contourner. Ils ont établi une classification très précise de ces signes qui indiquent simplement l'attitude des dieux, favorables ou non à une entreprise humaine. Les plus importants de ces signes sont les auspices qu'on prend pour tout acte de la vie publique (élections, vote d'une loi, engagement d'un combat, fondation d'une ville) et privée (mariage, naissance). Il y a cinq catégories d'auspices : les signes venus du ciel (éclairs, tonnerre), le vol des oiseaux, le comportement des poulets sacrés, des quadrupèdes et les présages funestes. On considère aussi comme signes divins les omina , parole ou événement fortuits portant en eux une prophétie sur l'avenir. Paul Emile, au moment de quitter Rome pour aller affronter le roi Persée de Macédoine, voit sa fillette pleurer : « Ma petite chienne Persa vient de mourir ! » « J'en accepte le présage », s'exclame son père transformant Persa en Persée.
Enfin les dieux peuvent envoyer des prodiges : tremblement de terre, chute de pierres, éclipse, naissance d'animaux monstrueux ou d'hermaphrodites. Les prodiges ne sont jamais favorables, mais traduisent toujours la colère des dieux. Il faut donc effacer cette souillure en supprimant le prodige et en retrouvant la bienveillance divine par une cérémonie expiatoire.
L'interprétation des signes est confiée au collège officiel des augures qui doit indiquer les mesures à prendre pour s'assurer la bienveillance des dieux. Les augures interviennent dans toutes les occasions de la vie publique : vote d'une loi, élections, début d'une bataille. Dans leur vie privée, les Romains ont aussi recours aux présages, que ce soit pour un projet de mariage ou pour engager une affaire importante. Les présages, tels que les conçoivent les Romains, laissent l'existence de l'homme à la merci du hasard. Pour organiser le monde confus des signes, les Romains ont élaboré une casuistique qui permet d'échapper à leur contrainte. Ils ont prévu de nombreuses échappatoires grâce auxquelles on peut accepter ou refuser le signe. En laissant de moins en moins de place au hasard, le peuple romain se libère petit à petit de la sujétion aux présages.
Alors que, dans la Grèce classique, l'astrologie n'est guère pratiquée, elle est devenue toute-puissante à Rome. Au début de notre ère, les méthodes traditionnelles de divination sont plus ou moins obsolètes. L'astrologie fait figure de science et son succès dans le monde romain est dû à la croyance dans une fatalité déterminée par les astres. Les chaldéens ou mathematici se disent les héritiers des connaissances des anciens mages de la Perse, mélange de religion, d'astronomie et d'astrologie. Dans toutes les classes de la société, on a recours à eux et nulle action n'est entreprise sans la consultation de son horoscope dressé par un de ces spécialistes. Se marier, accepter une invitation à dîner, acheter un vêtement : tous les actes, futiles ou non, de la vie quotidienne doivent se décider selon la conjonction des astres. De l'aristocrate qui « si le coin de son oeil la démange, ne demande un collyre qu'après avoir consulté son horoscope » à la plébéienne qui « consulte un astrologue pour savoir si elle doit quitter le cabaretier et se mettre en ménage avec le fripier » (Juvénal), tous les Romains font confiance à la fatalité déterminée par leur signe du zodiaque. A la naissance d'un enfant, on fait appel à un mathematicus pour dresser son horoscope et l'homme de l'art ne manque généralement pas de prédire un avenir glorieux au nouveau-né. On publie de multiples ouvrages consacrés à l'astrologie, depuis les plus savants, qui étudient les mouvements des astres et leur influence sur l'univers, jusqu'aux plus populaires, compilations de prédictions à double sens.
Comme leurs concitoyens, la plupart des empereurs sont des férus d'astrologie. Au moment de leur avènement, ils n'hésitent pas à rendre public un horoscope justifiant à la fois religieusement et scientifiquement leur arrivée au pouvoir. Ils ont l'habitude d'affirmer que cet horoscope a été dressé le jour de leur naissance, mais il est beaucoup plus probable qu'il a été composé après coup pour l'occasion. Non content de publier ses horoscopes, Auguste fait frapper des monnaies portant l'image du Capricorne, ascendant astrologique du début de son règne. Prudent, il fait interdire tous les horoscopes fixant la date de sa mort et prévoyant l'identité de son successeur. Les empereurs ont près d'eux un mathematicus , à la fois confident et conseiller occulte de son maître. Un de ces personnages connaît la gloire, Thrasylle d'Alexandrie, qui passe presque toute sa vie dans l'intimité de l'empereur Tibère. Par ses conseils mesurés, il parvient bien souvent à adoucir les décisions arbitraires de son ami. Tibère et, après lui, l'empereur Hadrien se font initier à l'art de dresser des horoscopes. Mais prédire l'avenir peut se révéler dangereux dans les sphères du pouvoir. En effet un astrologue qui annonce un avenir glorieux à un membre de la noblesse constitue un danger. Aussi, périodiquement, des sénatus-consultes et des édits impériaux expulsent-ils les mathematici de Rome.
Dans la religion grecque, les dieux sont vénérés en fonction de leurs attributions : Déméter est invoquée pour donner de belles moissons, Héra pour protéger les femmes et Aphrodite pour inspirer l'amour. Les Grecs ont établi une hiérarchie entre les douze grands dieux principaux (voir tableau) et attribuent à chacun un domaine d'action qui lui est réservé. Zeus a la souveraineté sur le ciel et la terre, son frère Poséidon est le roi des étendues marines et le troisième frère, Hadès, règne sur les ténébreux Enfers, le monde des morts. Certains sont plus particulièrement rattachés à une ville dont ils sont les protecteurs, Athéna pour Athènes, Apollon pour Delphes. Les dieux diffèrent des hommes parce qu'ils possèdent l'immortalité et une éternelle jeunesse. Ils habitent sur l'Olympe où ils passent leur temps à se divertir avec de grands banquets. Cependant, conçus sous une apparence anthropomorphique, ils ont les mêmes désirs, les mêmes penchants, bons ou mauvais, que les êtres humains. C'est ainsi que sont nés les multiples récits dans lesquels les dieux se mêlent allégrement de la vie des hommes, combattent avec ou contre eux, sont amoureux de leurs filles et de leurs femmes. A côté des douze grands dieux, un certain nombre de « demi-dieux » ou de « héros », êtres d'exception nés des amours d'un dieu et d'une mortelle, prennent avec le temps une place importante dans l'univers religieux des Grecs. C'est le cas d'Héraclès, le héros sauveur.
A l'époque archaïque, les Romains possèdent une mythologie qui leur est propre et ils affirment qu'ils rendent un culte à 30 000 divinités. Dès le IIIe siècle avant notre ère, ils identifient leurs principaux dieux à ceux du panthéon grec qu'ils « interprètent » à la romaine.
* Agrégée de lettres classiques et docteur d'Etat, Catherine Salles a publié Les Mythologies grecques et romaines (Tallandier, 2003), La Rome des Flaviens (Perrin, 2002,) L'Antiquité romaine (Larousse, 2000), L'Art de vivre au temps de Julie, fille d'Auguste (Nil éditions, 2000).
La pythie de Delphes, prêtresse d'Apollon, rend ses oracles |
Derrière le
rideau |
Des oracles sibyllins |
Le roi de Lydie,
Crésus, avant d'entreprendre la guerre contre le Perse Cyrus le Grand,
consulte la pythie qui annonce : « Si le roi déclare la guerre, un grand
empire sera détruit. » Crésus croit qu'il va vaincre l'empire perse,
mais c'est son propre royaume qui est détruit. |
Cassandre prédit en vain la chute de Troie |
Fille de Priam, roi de Troie, Cassandre a reçu d'Apollon le don de prophétie. Mais comme elle repousse son amour, le dieu la condamne à toujours annoncer la vérité sans être jamais crue. Ainsi, elle tente de s'opposer à l'entrée dans la ville du cheval de bois en prédisant la chute de Troie. En vain. |
Comprendre |
Pythie
|
Le foie sacré |
D'origine étrusque, les haruspices ne participent à la religion officielle romaine qu'à partir de l'empereur Claude. A la différence des Grecs et des Romains, les Etrusques ont une religion révélée à travers cinq ensembles de livres sacrés. Un de ces recueils, les Libri haruspicini , indique comment connaître l'avenir en inspectant le foie des victimes. En effet, les Etrusques considèrent que le foie est une projection de l'univers céleste et des demeures des dieux. Nous possédons encore le Foie de Plaisance , aide-mémoire en bronze possédé par un haruspice et portant gravée l'organisation de l'espace cosmique. La partie convexe du foie est séparée en deux parties orientées, l'une à l'Orient, sous le signe du Soleil et favorable, l'autre à l'Occident, sous le signe de la Lune et défavorable. La bordure de la partie concave du foie est divisée en seize cases portant le nom des dieux et des inscriptions à l'intérieur énumèrent vingt-sept autres divinités. Lorsque l'haruspice consulte le foie d'une victime, il repère toutes les anomalies de l'organe et, en comparant leur localisation avec son aide-mémoire, peut déterminer si le présage est défavorable ou non et quelles sont les divinités concernées par les signes. |
Charlemagne et ses astrologues
L'empereur observe le ciel avant
de se lancer dans une expédition, une comète annonce la mort de Louis le Pieux,
une autre de graves troubles civils... Pour les hommes du Moyen Age, le
mouvement des astres présage de grands événements. Ce que l'Eglise désapprouve
en y voyant la main du démon.
Par Jean Verdon *
Ayant ouvert le livre de Salomon [Les Proverbes], je pris le premier verset qui me tomba sous les yeux. Il contenait ces mots : "Que l'oeil qui a regardé avec hostilité le père soit arraché par les corbeaux des vallées." Bien qu'il [Mérovée] ne comprît pas, je considérai le verset comme choisi par le Seigneur. »
Qui parle ainsi ? Un hérétique ? Nullement, mais un évêque qui proclame sa parfaite orthodoxie, à savoir Grégoire de Tours, l'auteur de l' Histoire des Francs . Pourtant le concile d'Orléans de 511 condamne la pratique superstitieuse - les « sorts des saints » - qui consiste à ouvrir les livres saints ou les écrits des Pères de l'Eglise au hasard ; le passage qui tombe sous les yeux est censé répondre à la question posée. Or Grégoire, invité à un repas par Mérovée, qui divulgue les crimes de son père Chilpéric et de sa marâtre Frédégonde, se voit supplier par ce prince de lire quelque chose pour l'instruction de son âme. Il n'hésite pas à obtempérer, on le voit.
Grégoire attribue à de nombreux phénomènes naturels une valeur prophétique. En Anjou, écrit-il, la terre se met à trembler et beaucoup d'autres signes apparaissent qui « selon mon opinion » annoncent la mort violente d'un prétendant au trône franc. Il signale un peu plus loin l'apparition de divers signes « qui ont coutume d'annoncer le décès d'un roi ou une catastrophe frappant une région ». Des femmes prétendent connaître l'avenir, comme celle qui à Paris dit aux habitants : « Fuyez la ville et sachez qu'elle doit être brûlée dans un incendie » ou cette pythonisse dont notre évêque narre l'histoire (lire encadré) .
De même que les Romains croient aux pouvoirs de la magie et à la justesse des présages (lire p. 48) , de même les hommes du Moyen Age - époque où la religion chrétienne structure la société, mais où les traces du paganisme n'ont pas disparu - ont recours bien souvent aux divers procédés de divination. Pourtant à l'instar des édits impériaux qui répriment les pratiques de magie et d'astrologie, l'Eglise met en garde contre ces agissements et condamne ceux qui y ont recours.
Comment procède-t-on alors pour connaître l'avenir ? C'est en grande partie sur le chapitre des Etymologies d'Isidore de Séville (vers 560-636) consacré à la magie que repose la conception médiévale de la divination, laquelle est de nature démoniaque. Il suffit de se référer à Thomas d'Aquin ou aux auteurs de traités antidivinatoires de la fin du Moyen Age. « Toute divination use, pour connaître l'avenir, du conseil ou de l'aide des démons », écrit le savant dominicain qui distingue trois genres : le recours direct aux démons, la considération de la position ou du mouvement d'une chose étrangère, la pratique de certains procédés pour découvrir ce qui est caché, autrement dit la nécromancie, les augures et les sorts.
Dès le haut Moyen Age, trois sortes de méthodes sont couramment utilisées : le tirage au sort de passages des Saintes Ecritures - Grégoire de Tours est là pour l'attester -, les prédictions sur les jours du mois lunaire, sur l'année à venir et sur le tonnerre ; les sphères médico-astrologiques. Les capitulaires carolingiens des VIIIe et IXe siècles, qui dénoncent les devins et les interprètes de songes, montrent la fréquence des pratiques magiques. Beaucoup croient que la lune intervient sur les maladies. Les lettrés s'intéressent aussi à la carte du ciel. Le palais de Charlemagne comporte une table représentant la Terre, les planètes et les étoiles. L'empereur observe le ciel avant de s'engager dans une expédition. Les mouvements des astres présagent de graves événements. Trois ans avant la mort de Charlemagne, note son biographe Eginhard, « il y eut de fréquentes éclipses de soleil et de lune. Sept jours durant, on remarqua dans le soleil une tache de couleur noire. » Quant au biographe de Louis le Pieux appelé l'Astronome, il écrit qu'une comète apparue au signe du Scorpion avertit de la mort d'un grand prince et qu'une éclipse de soleil annonça le décès de l'empereur. Le savant abbé de Ferrières, Loup, écrit, en 837, à un moine : « Au sujet des comètes que l'on vit, il paraît qu'il y a plus à craindre qu'à discourir. Et puisque la Sainte Ecriture n'en dit rien nulle part, nous pouvons penser et même redouter ce que les gentils apprirent par expérience lors des apparitions de ces astres. Ceux-ci ont rapporté que les comètes présagent la peste, la famine ou les guerres. »
Les Histoires de Raoul Glaber, moine bourguignon qui vit dans la première moitié du XIe siècle, montrent que, deux siècles plus tard, les phénomènes étranges présagent toujours pour les contemporains des événements inquiétants. En 988, des yeux d'une image de Jésus, durant plusieurs jours sans discontinuer, de nombreux habitants voient jaillir des larmes abondantes, rapporte notre auteur qui ajoute : « Beaucoup, cependant, à y regarder de près, y virent le présage envoyé par Dieu de quelque calamité prête à s'abattre sur la ville. Comme en effet on nous montre ce même Sauveur, instruit par sa prescience de l'imminente ruine de Jérusalem, pleurant sur cette ville, ainsi c'est certainement la menace pesant sur Orléans d'un désastre prochain qui lui arrachait les larmes versées par son image visible. » Raoul rapporte aussitôt après un autre fait prodigieux. Un loup entre dans la cathédrale, saisit dans sa gueule la corde de la cloche et entreprend de sonner. Comme toutes les maisons de la cité et les bâtiments d'église sont la proie d'un incendie l'année suivante, il conclut : « Et nul ne douta que cet événement désastreux n'eût été annoncé à la fois par les deux prodiges. »
Le même auteur mentionne surtout les phénomènes célestes. Il signale que pendant le règne de Robert le Pieux, fils d'Hugues Capet, une comète apparaît dans le ciel, du côté de l'Occident. Le phénomène, qui commence un soir de septembre, dure près de trois mois. Brillant d'un vif éclat, la comète éclaire une vaste portion du ciel et se couche le matin, lorsque le coq se met à chanter. « Chaque fois que les hommes voient se produire un prodige de cette sorte, peu après s'abat visiblement sur eux quelque chose d'étonnant et de terrible. » Un peu plus loin, Raoul rapporte que la millième année après la mort du Christ, se produit une éclipse du soleil qui prend la couleur du saphir. « Alors une stupeur et une épouvante immenses s'emparèrent du coeur des hommes. Ce spectacle, ils le comprenaient bien, présageait que quelque lamentable désastre allait s'abattre sur le genre humain. » De fait, les terreurs de l'an mil n'ont jamais existé. D'ailleurs, à l'exception de quelques clercs, personne ne sait en quelle année il se trouve.
Aux XIIe-XIIIe siècles, les traductions arabo-latines et gréco-latines mettent en valeur l'astrologie dont l'intérêt s'accroît en raison de ses liens avec l'astronomie et de son utilisation éventuelle sur le plan médical. Les hommes du Moyen Age croient que les astres ont une influence sur leur destin, d'autant plus importante qu'ils sont plus gros et plus proches. Ce destin dépend par conséquent de la planète et du signe où elle se trouve au moment de leur naissance. A Vénus sont associés amour, joie, mais aussi envie et couardise, alors que Jupiter règne sur les hommes débonnaires, gracieux et barbus. L'individu né sous le signe du Cancer « ne sera ni riche ni pauvre mais vivra longtemps ». Les signes du Zodiaque sont en outre regroupés par trois. Ainsi Bélier, Lion et Sagittaire sont chauds et secs comme le feu. Les diverses influences s'additionnent, se contrarient ou se modèrent. Et les jours de la semaine dépendent plus particulièrement d'une planète : Vénus gouverne le vendredi.
Il en résulte que tout phénomène astronomique possède une signification dont il importe de tenir le plus grand compte. La distinction, déjà faite par Isidore de Séville, entre une astrologie consacrée à l'influence des corps célestes sur les phénomènes de la nature et une astrologie chargée de prédire l'avenir, subsiste jusqu'à la fin du Moyen Age. Thomas d'Aquin écrit que « si l'on use de l'astrologie pour prévoir les événements qui se produisent par hasard ou accidentellement, ou encore pour prévoir avec certitude les actions des hommes, on part d'une opinion fausse et vaine. C'est ainsi que l'action des démons s'y mêle. C'est une divination superstitieuse et illicite. » Néanmoins, comme les astrologues prennent soin de respecter le libre arbitre de l'homme et la toute-puissance divine, ils parviennent à contourner l'obstacle, de sorte qu'ils jouent un grand rôle auprès de certains souverains ainsi que de nombreux princes et prélats.
Certes, d'aucuns ne se privent pas de se moquer de prédictions qui ne se réalisent pas. Ainsi Michel Pintoin, le Religieux de Saint-Denis, narre la cocasse aventure arrivée aux astrologues de Charles VI. En 1385, un chevalier anglais, Pierre de Courtenay, provoque en duel un chevalier français réputé pour sa vaillance, Guy de La Trémoille, afin de manifester la supériorité de l'Angleterre sur la France. La Trémoille, écrit-il, « fit choix d'un jour marqué par les astrologues qui fréquentaient la cour des princes et qui leur donnaient conseil en toute chose ; ils cherchèrent à lire dans les astres si le combat serait heureux ou malheureux ». Et le Religieux pour qui « il n'appartient qu'à Dieu de savoir d'avance de ce qui procède du libre arbitre » de se gausser du résultat. « Les astrologues de la cour se chargèrent de conduire l'affaire. Ils firent fabriquer des armes pour Guy à des heures et à des moments déterminés, comme si l'influence des planètes devait communiquer à ces armes une certaine vertu ; ils prédirent même au roi et aux seigneurs qu'il ferait beau le jour du combat et que l'ennemi de Guy succomberait. Cette prédiction les rendit plus tard, et à bon droit, un objet de risée. Au jour qu'ils avaient fixé pour le combat, le ciel se couvrit partout de nuages ; la pluie tomba par torrent et ne cessa d'inonder la terre. » Les deux champions entrent dans la lice, les spectateurs en grand nombre attendent le combat, les deux adversaires mettent la lance en arrêt. A ce moment, le roi et les princes leur défendent d'aller plus loin... Plus sérieusement, la faculté de théologie de Paris prononce en 1398 des condamnations contre un certain nombre de pratiques magiques et Jean Gerson, le chancelier de l'Université de Paris, compose en 1402 un traité pour en détourner les médecins de cette université.
L'astrologie connaît pourtant une vogue croissante. Le Religieux de Saint-Denis, malgré son ironie, ne manque pas de mentionner les nombreux événements célestes dont il a connaissance. Ainsi « quelques prodiges extraordinaires, avant-coureurs de l'avenir, avaient présagé, à ce que nous croyons, cet horrible attentat » - à savoir la révolte des Maillotins de 1382 : les Parisiens ulcérés contre un nouvel impôt indirect s'arment de maillets ; l'insurrection est réprimée dans le sang. En particulier, pendant huit jours, un globe de feu brillant voltige de porte en porte au-dessus de Paris sans aucune agitation de vent, sans éclair et sans coup de tonnerre.
Le 10 juillet 1396, vers la quatrième heure de la nuit, dans l'évêché de Maguelone, brille dans l'air une comète d'une grosseur considérable, dotée d'un éclat extraordinaire, tandis que cinq autres petits astres s'agitent autour d'elle, puis viennent la heurter à plusieurs reprises. Après cette sorte de combat, surgit un homme de fer monté sur un cheval de bronze et armé d'une lance d'où jaillissent des flammes. Il frappe la comète puis disparaît immédiatement. D'autre part, des gens de guerre en garnison dans les places de Guyenne sont réveillés en sursaut au milieu de la nuit par un grand bruit d'armes. Ils aperçoivent dans le ciel des cavaliers en armes qui se livrent bataille. « Quelques personnages, d'un mérite reconnu et d'un savoir éminent annoncèrent que le premier prodige présageait la déposition du pape par le roi et le clergé, le second des guerres et des massacres. » Certes, le Religieux ajoute : « Pour moi, je laisse le secret de tous ces événements surnaturels à celui qui sait tout, qui commande au ciel, à la terre, à la mer. » Mais il poursuit d'une manière quelque peu équivoque : « J'avoue pourtant que, si l'on consulte l'histoire du passé, on ne peut nier que de pareils prodiges n'aient été presque toujours les avant-coureurs de quelque grand événement. »
Charles VII, en 1451, crée l'office d'astrologue royal. La charge est occupée de 1451 à 1466, année de sa mort, par Arnoul de La Palu. Sous Louis XI, Jacques Loste est pensionné de 1469 à 1483. Les grands seigneurs français en revanche n'ont recours aux astrologues que de façon intermittente ; cela s'explique en particulier par l'hostilité de l'Eglise à l'égard de « l'astrologie superstitieuse ». Même en Italie, où le statut des astrologues de cour apparaît plus solide et plus prestigieux qu'en France et en Angleterre, à la fin du XVe siècle des critiques se manifestent, des traités antiastrologiques voient le jour
comme ceux de Pic de La Mirandole et de Jérôme Savonarole. En France, les ordonnances royales de 1490 et de 1493 (sous Charles VIII) marquent le début d'une série de textes qui condamnent les prédictions astrologiques. Quant à l'Eglise, elle ne peut accepter que l'influence des astres s'oppose au libre arbitre de l'homme.
L'âge d'or de l'astrologie n'a pas encore commencé. Il faut attendre le XVIe siècle pour que les activités des astrologues connaissent une sorte d'apogée, et ceci malgré l'opposition des autorités laïques et ecclésiastiques Il n'empêche. L'astrologie et la divination ont de beaux jours devant elles. C'est en 1503 que Nostradamus vient au monde...
*Ancien professeur d'histoire médiévale à l'université de Limoges, Jean Verdon est spécialiste de la vie quotidienne. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Les Loisirs au Moyen Age (Tallandier, 1996), Rire au Moyen Age (Perrin, 2001) et Boire au Moyen Age (Perrin, 2002).
L'alliance du sceptre, du caducée et du zodiaque |
Le soleil
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Il vient au monde sous de favorables auspices |
Lors de la naissance d'Eloi, futur évêque de Noyon, un astrologue prédit à la mère une brillante destinée pour son fils. De fait, il sera canonisé. Les prédictions flatteuses sont une pratique courante depuis l'Antiquité. |
Une pythonisse fait fortune à l'époque mérovingienne |
Il y avait en ce
temps une femme qui, ayant l'esprit de Python, procurait un grand profit
à ses maîtres par ses divinations et qui fit de tels progrès dans leurs
bonnes grâces qu'après avoir été affranchie par eux elle s'abandonna à
ses fantaisies. En effet, si quelqu'un avait été victime d'un vol ou
avait subi quelque dommage, aussitôt elle indiquait où le voleur était
parti, à qui il avait remis l'objet du vol et ce qu'il en avait fait.
Elle ramassait tous les jours de l'or et de l'argent, et marchait
couverte d'ornements si bien qu'on pensait dans le peuple qu'elle avait
quelque chose de divin. Mais lorsque la chose vint à la connaissance d'Ageric,
évêque de Verdun, il envoya des gens pour l'arrêter. Quand on l'eut
appréhendée et amenée auprès de lui, il constata que conformément à ce
que nous lisons dans les Actes des Apôtres, l'esprit immonde de Python
était en elle. Finalement, lorsqu'il eut prononcé l'exorcisme sur elle
et oint son front de l'huile sainte, le démon poussa un cri et révéla à
l'évêque qui il était. Toutefois, comme ce dernier ne l'avait pas chassé
de la jeune fille, elle fut autorisée à s'en aller. Mais cette jeune
fille ayant constaté qu'elle ne pouvait plus habiter dans la localité,
elle s'en alla auprès de la reine Frédégonde, et là elle se cacha. » |
La croix de Bayonne rend la ville à Charles VII |
Le 21 août 1451, les forces royales entrent dans Bayonne, tandis qu'apparaît dans le ciel un nuage en forme de croix blanche, emblème du roi de France. Les habitants y voient un signe de Dieu, et se rendent sans résister aux troupes de Charles VII. |
Pour Thomas d'Aquin, "tout cela porte le nom de sorts" |
Dans sa Somme
théologique , Thomas d'Aquin expose en détail les différentes formes
de divination : « Lorsqu'ils répondent à un appel exprès, les démons ont
bien des manières d'annoncer l'avenir. Parfois ils se présentent
eux-mêmes, sous des formes trompeuses, à la vue des humains et font
entendre leurs prédictions. C'est ce qu'on appelle le prestige, parce
qu'en ce cas les yeux des hommes sont comme éblouis. D'autres fois, ils
usent de songes, et c'est alors la divination par les songes, ou bien
ils font apparaître et parler des morts. C'est la nécromancie... Les
démons annoncent encore les événements futurs par le truchement d'hommes
vivants, comme on le voit chez les possédés. Cette espèce de divination
est celle des pythonisses... Autre procédé encore : des dessins ou des
signes apparaissent sur des êtres inanimés. S'il s'agit d'un corps
composé d'éléments terrestres, bois, fer, pierre taillée, c'est la
géomancie ; si c'est dans l'eau c'est l'hydromancie ; dans le feu, la
pyromancie ; dans les entrailles d'animaux sacrifiés sur les autels des
démons, l'haruspice. |
Rodolphe II, l'empereur alchimiste
Souverain introverti et
mélancolique, médiocre politique, piètre combattant, admirateur de la vie et des
femmes, protecteur des arts et des sciences mais aussi épris d'ésotérisme, qui
est ce Habsbourg qui occupe le trône impérial de 1576 à 1612 ?
Par Benoît Beyer de
Ryke *
Né à Vienne le 18 juillet 1552 dans l'illustre famille des Habsbourg, Rodolphe, archiduc d'Autriche, empereur du Saint Empire romain germanique, roi de Hongrie et de Bohême, meurt à Prague le 20 janvier 1612, à 59 ans. Sur le plan religieux et politique, son règne se situe entre deux dates importantes : 1517, le commencement traditionnel de la Réforme - Luther affiche ses 95 thèses à Wittenberg - et 1618, le début de la guerre de Trente Ans qui met à feu et à sang tout le Saint Empire.
Confronté aux questions religieuses nées de la Réforme, Rodolphe II adopte une position tolérante, un peu comme Henri IV en France à la même époque. Lui-même pratique sur le plan personnel une religion peu conventionnelle, teintée de néoplatonisme. D'ailleurs, chose inouïe pour l'époque, il refuse de recevoir la confession au moment de sa mort. Il est ce que l'on appelle un érasmien, c'est-à-dire que, inspiré par le célèbre humaniste hollandais du XVIe siècle, il entend se placer dans une Eglise d'avant la Réforme. L'autre point important du règne de Rodolphe en matière politique est le fait de déplacer, en 1583, la capitale de l'Empire de Vienne à Prague, suscitant ainsi l'animosité des Allemands et des Hongrois. Sous son règne, Prague connaît son âge d'or, devenant pendant une trentaine d'années (de 1583 à 1612) l'un des principaux foyers culturels et artistiques de l'Europe.
Rodolphe fait venir à Prague deux astronomes d'une très grande valeur : Tycho Brahé en 1599 et Kepler en 1600. Tycho Brahé est un personnage fascinant à propos duquel circule quantité d'anecdotes : par exemple, il portait un faux nez en métal car il avait perdu le sien dans sa jeunesse lors d'un duel dont l'enjeu était de savoir qui de lui ou de son adversaire était le meilleur mathématicien ! Cet astronome et aristocrate danois naît en 1546 et meurt comblé d'honneur en 1601, à Prague. Il bénéficie au Danemark de l'aide du souverain Frédéric II qui lui accorde un soutien financier très important et met à sa disposition l'île de Hveen sur laquelle il construit un château astronomique, Uraniborg. De caractère difficile, il se dispute avec le fils de Frédéric de Danemark, Christian IV qui, une fois devenu roi, lui retire les crédits accordés par son père. Il cherche alors d'autres mécènes et protecteurs et c'est ainsi qu'il arrive à Prague où Rodolphe II, qui connaît déjà son travail, l'a invité. L'empereur lui accorde une pension très importante et lui fait également construire un observatoire astronomique. Une légende veut qu'il soit mort d'un éclatement de la vessie, suite à un dîner un peu trop arrosé à la table de Rodolphe II, car le protocole de cour lui interdisait de quitter la table avant l'empereur. Milan Kundera, dans L'Immortalité , évoque cet épisode tragi-comique : « Tycho Brahé était un grand astronome et aujourd'hui nous ne nous rappelons plus rien de lui sauf ce célèbre dîner à la cour impériale de Prague au cours duquel il réfréna pudiquement son envie d'aller au cabinet si bien que sa vessie éclata. Et lui, martyr de la honte et de l'urine, s'en fut promptement rejoindre les immortels risibles. » En fait, il semble plutôt qu'il soit mort d'une septicémie, mais l'histoire est tellement cocasse qu'elle s'est maintenue jusqu'à nos jours.
Tycho Brahé fait venir à Prague, pour l'assister, un autre très grand astronome, l'Allemand Johannes Kepler (1571-1630). Esprit curieux, autant métaphysicien que scientifique, Kepler est également féru d'astrologie. Or, Rodolphe II se passionne davantage pour l'astrologie que pour l'astronomie et Kepler, dans ses fonctions auprès de l'empereur, a aussi celle d'astrologue impérial. Bien qu'ayant déclaré que « l'astrologie est la fille bâtarde de l'astronomie », il s'y intéresse beaucoup. D'après l'horoscope qu'il établit de lui à l'âge de 26 ans, on sait qu'il a été conçu le 16 mai 1571, à 4 h 37 du matin et qu'il est né le 27 décembre à 2 h 30 de l'après-midi, après une grossesse de 224 jours, 9 heures et 53 minutes. Kepler, à la différence de Tycho Brahé, qui propose un système géo-héliocentrique, est partisan du système héliocentrique de Copernic, selon lequel le Soleil est au centre, et non la Terre comme dans le système géocentrique de Ptolémée. Mais il est surtout connu en astronomie pour ses trois lois sur le mouvement des planètes. La première, et la plus importante de ces lois, consiste dans le fait que les planètes décrivent autour du Soleil des ellipses et non des cercles.
Rodolphe II est un personnage profondément mélancolique, au sens antique et médiéval du terme : c'est-à-dire quelqu'un chez qui il y a trop de bile noire (du grec melas , noire, et kholê , bile) et qui, d'après la théorie des quatre humeurs, subit un déséquilibre dans sa personne qui le rend profondément apathique. Ce qui s'appelle de nos jours une psychose maniaco-dépressive. On associe à l'époque la mélancolie à l'influence de la planète Saturne. Or, cette planète est très influente dans l'horoscope de Rodolphe II. Dans leur beau livre sur Saturne et la mélancolie , Raymond Klibansky, Erwin Panofsky et Frtiz Saxl ont magistralement montré qu'à la Renaissance, on insiste beaucoup sur la relation entre Saturne, l'état mélancolique et le génie. Ce rapprochement est fondé au départ sur un petit texte faussement attribué à Aristote. Et force est de constater que Rodolphe II est à sa manière génial, en réunissant autour de lui un cénacle extrêmement producteur sur le plan des arts et des savoirs. Les savants de l'époque attribuent cette mélancolie à des causes astrologiques. Aujourd'hui, on sait qu'il était atteint de syphilis. Dans sa jeunesse, l'empereur faisait venir de nombreuses femmes au palais de la Hofburg à Vienne. Or l'on sait que la syphilis peut fortement perturber l'esprit. Peut-être est-ce là la cause de ses troubles psychologiques. Ce caractère mélancolique le détache de la politique : il préfère s'intéresser aux sciences, aux arts, aux savoirs occultes, à l'alchimie et à la magie. C'est ce que rapporte notamment un ambassadeur toscan, autour de 1590 : « Rodolphe II se donne activement aux expérimentations de l'alchimie et à la fabrication des horloges, ce qui va à l'encontre de ce qui est convenable à un monarque. Il a transféré son siège du trône impérial au tabouret de l'atelier. Non content de vider les caisses de l'Empire, il s'occupe lui-même à peindre, non seulement des journées entières, mais encore jour après jour. »
L'empereur s'intéresse donc à l'alchimie. Si l'on voulait résumer à gros traits l'histoire de cet art occulte, on pourrait dire qu'il est dominé par deux types de recherches : la chrysopoeia (transmutation des métaux vils en or) et la panakeia (recherche d'un élixir, ou or potable, permettant d'allonger la vie), terme qui a donné « panacée » en français. Née à Alexandrie autour des premiers siècles de notre ère, l'alchimie a été transmise aux Arabes et, par leur intermédiaire, elle est arrivée en Occident médiéval autour du XIIe siècle, grâce à la traduction de textes arabes et grecs - de même qu'une partie de la philosophie qui avait été oubliée et, bien sûr, l'astrologie. Dans l'Europe de la Renaissance, il y a une forme de renouveau de l'alchimie, lié à la personne de Paracelse (1493-1541). A la fois théosophe, alchimiste, médecin, c'est une sorte de mage errant. Il ajoute un élément à la théorie alchimique, le sel. Avant lui, il n'y en avait que deux, le souffre et le mercure. Par ailleurs, à partir de Paracelse, l'alchimie se divise en deux voies distinctes : l'alchimie « chimique » et l'alchimie « spirituelle ». Ces deux tendances coexistent à Prague, autour de Rodolphe. Comme tenant de l'alchimie spirituelle on peut citer Michael Maier, un personnage fort intéressant, médecin particulier de l'empereur et surtout l'auteur de l' Atalante fugitive . Cet ouvrage, publié après la mort de Rodolphe en 1616, à été mûri à la cour de Prague. Atalante (princesse grecque qui avait décidé qu'elle n'épouserait que celui qui la vaincrait à la course) représente la pierre philosophale, objet de la recherche des alchimistes qui sans cesse leur échappe. D'autres alchimistes, occultistes, kabbaliste, philosophes, savants et charlatans de tout poils séjournent à Prague durant la période rodolphinienne. Parmi ceux-ci, John Dee, Edward Kelly, Giordano Bruno, Heinrich Kunrath, Crato von Crafftheim, Martin Ruland père et fils, Oswald Croll, Václav Lavín, Michael Sendivogius, Boethius de Boodt, pour ne citer que les plus célèbres.
A côté de ses collections artistiques, Rodolphe II rassemble ce qu'on appelle les « merveilles de la nature » ou mirabilia , qu'il conserve dans son cabinet de curiosités. Là sont entreposés des squelettes, un grain de la terre dont Adam fut fait, des pierres précieuses, des émeraudes de Perse, des diamants, ainsi qu'une série impressionnante de talismans : des racines de mandragore, des cornes de rhinocéros, la mâchoire d'une sirène, des dents de baleine, l'image d'un démon emprisonné dans un cristal, des foetus, des coraux, des clous de l'arche de Noé, des têtes de mort taillées dans de l'agate ou du quartz. Mais ce qu'il recherche par-dessus tout, ce sont les bézoards, concrétions formées dans l'estomac de certains animaux et dont on vante la vertu d'antidote ; il en porte un en permanence sur son coeur afin de soigner sa mélancolie.
Rodolphe II s'intéresse également à la kabbale qui est une tradition issue du judaïsme médiéval, fondée notamment sur l'idée que Dieu crée le monde par la parole et que par conséquent celui qui retrouve le langage de Dieu acquiert à son tour un pouvoir créateur. Cet intérêt pour la kabbale pousse Rodolphe à entrer en contact avec la communauté juive de Prague, l'une des plus importantes d'Europe centrale à l'époque. Elle est extrêmement florissante et compte environ 3 000 membres. C'est là aussi qu'apparaît la seconde imprimerie juive d'Europe, la première étant à Venise.
Au moment du règne de Rodolphe II se trouve à Prague un grand rabbin qui est un des plus éminents penseurs du judaïsme, celui qu'on appelle le Maharal (acronyme hébraïque de « Notre Maître le Rabbi Loew »). A ce personnage on a associé, au XVIIIe siècle, la légende du Golem, cette créature humanoïde à qui il aurait insufflé la vie au moyen d'une formule magique. La figure du Maharal est encore très populaire aujourd'hui à Prague où, dans le cimetière juif, des gens viennent déposer sur sa tombe des petits mots placés sous des cailloux. Rodolphe souhaite donc entrer en contact avec le Maharal. Cette entrevue tout à fait exceptionnelle se produit en 1592. Il y avait déjà eu des telles rencontres, mais à la demande du rabbin, qui se trouvait en dès lors position d'infériorité. D'ailleurs, la dernière s'était soldée par la condamnation à mort du rabbin. Dans un climat peu favorable aux juifs, Rodolphe manifeste assurément une grande ouverture d'esprit. On ignore ce qu'ils se sont dit.
On peut résumer les dernières années du règne par quelques dates : en 1606, malgré l'opposition de Rodolphe, son frère Mathias obtient une paix avec les Ottomans et se fait reconnaître roi de Hongrie ; en 1608, il essaie d'obtenir la couronne de Bohême mais il n'y parvient pas car Rodolphe jouit encore du soutien de la noblesse (c'est d'ailleurs en reconnaissance de ce soutien qu'il leur accorde en 1609 la lettre de majesté, sorte d'édit de Nantes, qui assure aux protestants une liberté de culte dans le royaume) ; en 1611, Mathias arrive à ses fins en obtenant la couronne de Bohême, de telle sorte que Rodolphe n'a plus aucune possession. Il garde le titre impérial sans aucun pouvoir et il est relégué dans le château de Prague où il ne règne plus. La dernière année de sa vie est assez tragique. Son lion favori meurt. C'est le signe de sa fin prochaine, car on lui avait prédit que son fauve préféré le précéderait de peu dans la mort. Rodolphe s'abandonne. Ses jambes gonflent tant qu'on ne peut plus lui retirer ses bottes. La gangrène s'installe. Il entre en agonie et meurt, le 20 janvier 1612 à 7 heures du matin, dans cette ville de Prague qu'il aimait tant.
En 1657, une trentaine d'années après sa mort, voici ce qu'écrit un poète du nom de Sigmund von Birken : « Les trente-sept années de son règne ont été des années de paix sans mélange, des années de joie et de bien-être... Pendant cette période, sa cour fut le véritable sanctuaire des muses et la résidence de nombreux savants et artistes, en particulier de peintres et d'astrologues, qui trouvèrent dans l'empereur non seulement un protecteur indulgent mais aussi un compagnon des arts très éclairé... » Ce jugement rétrospectif à propos du règne de Rodolphe II garde toute sa pertinence aujourd'hui.
* Licencié en histoire et philosophie, Benoît Beyer de Ryke est assistant à l'Université libre de Bruxelles (ULB). Il travaille sur l'encyclopédisme médiéval et sur l'histoire des mentalités religieuses. Il a publié notamment Maître Eckhart, une mystique du détachement (Ousia/Vrin, 2000).
A la recherche de la pierre philosophale |
Le creuset de
l'expérience |
Repères |
1552
|
Comprendre |
La position
des astronomes |
Nostradamus : ce qu'il avait
annoncé
Eh non ! Historia ne vous parlera
pas des prédictions pour 2004. Nous nous sommes intéressés aux Prophéties ,
vieilles de 450 ans et qui, à en croire l'un de ses plus fidèles exégètes, se
seraient réalisées. Initiation à l'art du puzzle divinatoire... Sans garantie de
la rédaction ! Entretien avec Jean-Charles de Fontbrune
Par Eric Pincas
La nuit est déjà bien avancée. Isolé au dernier étage de sa maison de Salon-de-Provence, l'éminent médecin Michel de Nostre-Dame prend place sur un siège inconfortable, dur comme de la pierre. Une technique de mortification corporelle qui lui évite de s'endormir. Face à lui, un pupitre, une plume, de l'encre et quelques feuilles de papier encore vierges. Le tout éclairé par une simple chandelle.
Dans un geste presque rituel, l'homme ouvre une petite boîte contenant de l'épervière et l'ingère lentement. D'après les Anciens, cette herbe éclaircirait la vue de l'épervier. Quelques minutes s'égrènent... Nostradamus est pris de tremblements. Il entre dans un état second. Sa vue se brouille. Il commence à ressentir des « flashs » puis des visions de plus en plus détaillées. Lieux, personnages, guerres, calamités, révoltes des peuples... Le destin de l'humanité se révèle à lui comme un don de Dieu. Emporté par ce tourbillon de l'histoire à venir, il trouve la force de retranscrire le fruit de ses visions. Son discours est extrêmement complexe, sans ordre chronologique, truffé de pièges linguistiques et d'astuces grammaticales. Un hermétisme délibéré pour échapper à la vindicte des autorités religieuses. Peut-être aussi un moyen de donner du fil à retordre aux exégètes des siècles à venir. Car Nostradamus a conscience de la pérennité de son oeuvre. Dans la lettre qu'il adresse à son fils César le 1er mars 1555, il écrit : « [...] Sache que les hommes de lettres feront une si grande et incomparable jactance sur la façon dont j'ai trouvé le monde [...]. » S'il est une prophétie qui demeure incontestable à ce jour, c'est bien celle-là !
Depuis la première publication de ses Prophéties en 1555, les commentateurs se sont acharnés à y trouver du sens. Les 1142 quatrains répartis en 12 centuries et présages auxquels il faut ajouter 58 sixains ont été disséqués sans relâche.
Jean-Charles de Fontbrune fait partie de ces fervents interprètes. Depuis 1963, il oeuvre d'arrache-pied au décryptage de ces textes obscurs. Pour lui, il ne s'agit ni de poésie ni de chroniques macabres, reflets d'une époque marquée par les épidémies et les guerres de Religion, contrairement à ce qu'avance Hervé Drévillon ( lire page 72 ). Non, il estime que ce sont bien des prophéties. Et il entend en apporter la preuve en proposant une méthode d'analyse basée principalement sur la philologie combinée à des connaissances en astronomie, en médecine et en histoire. En 1975, Jean-Charles de Fontbrune s'est constitué un dictionnaire informatisé où il recense tout le vocabulaire employé par Nostradamus, avec les références des quatrains ou des sixains où un même mot est utilisé. Cela lui permet de mettre en évidence, dans le contexte général de l'oeuvre, la véritable acception d'un mot et de vérifier si elle est toujours la même. Cette grille de lecture lui vaut depuis 1980, année de la parution de son best-seller Nostradamus historien et prophète , une réputation sulfureuse.
La presse s'est souvent montrée acerbe à son égard, tel l'hebdomadaire Le Point qui écrivait en 1981 : « Nous tenons donc dans notre époque, l'équivalent actuel de l'ancienne peur des calamités. » Pour autant, sans renier son esprit critique, Historia n'a pas voulu passer ces travaux sous silence. L'occasion d'aborder ces « prophéties » de façon ludique et de comprendre, au travers de cinq exemples, comment travaille un exégète passionné.
Témoin |
Jean-Charles de Fontbrune a consacré quarante ans de sa vie à l'interprétation des textes de Nostradamus. Il a publié une dizaine d'ouvrages dont le plus récent est Nostradamus aura-t-il raison ? (Editions du Rocher, 2003). |
En complément |
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Salon-de-Provence célèbre le 500e anniversaire de la naissance de
Nostradamus |
Dans l'antre du devin |
La statue
|
Nostradamus : ce qu'il avait annoncé
La
mort d'Henri II
Décryptage
Montgomery, chef de la garde écossaise d'Henri II portait sur son bouclier les armes de l'Ecosse qui représentent un lion. Le vieux lion, roi des animaux, ne concerne donc que le roi Henri II (plus vieux que Montgomery).
« Champ bellique » signifie « bataille militaire », c'est-à-dire bataille entre militaires, car le mot « champ » signifie en moyen français « bataille » et « bellique » veut dire « militaire », faisant ainsi référence au fait que ce sont deux militaires qui s'affrontent, puisque dans la tradition monarchique le roi est chef des armées et signe les nominations d'officiers.
« Cage d'or » n'a rien de choquant pour désigner le heaume du roi, même si l'histoire n'en a pas relevé la couleur.
« Les yeux lui crèvera. » Le contre-argument consiste à dire que Henri II ne fut blessé qu'à un oeil, et ne fut pas rendu aveugle. Objection ! Nostradamus pratiquait des dissections sur l'homme à la faculté de Montpellier, la seule, à son époque, à les permettre. Il avait certainement vu ce type de blessure, courante dans les guerres à l'arme blanche, dans les tournois et les duels. Il savait donc qu'une lance qui pénètre l'oeil droit et sort par l'oreille du même côté, sectionne au passage le chiasma optique et entraîne une cécité totale. Pour avoir travaillé pendant dix ans en ophtalmologie dans l'industrie pharmaceutique, je ne peux que confirmer. Ce qui veut dire qu'avec une seule blessure, le roi perdit les deux yeux.
« Deux classes une. » Les exégètes ont calé devant cette expression en la traduisant avec de nombreuses erreurs. Le grammairien du IIe siècle Aulu-Gelle utilise ce mot dans le sens de « combat ». Or Henri II, avant de jouter contre Montgomery, s'était affronté au duc de Guise ; l'expression peut donc se traduire par « dans l'un des deux combats ».
Les faits historiques
« [...] Les deux hommes se heurtent une nouvelle fois, le morceau de lance de Montgomery glisse sur la cuirasse, soulève la visière du casque et pénètre dans la tête du roi. [...] On transporte le roi aux Tournelles. La blessure est atroce. La lance est entrée par l'oeil droit et sortie par l'oreille... Tandis que le roi agonisait, Diane demeure cloîtrée chez elle. [...] Le 10 juillet au matin, le roi expire. » (André Castelot et Alain Decaux).
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Le Lyon jeune le
vieux surmontera |
Traduction |
Le jeune lion l'emportera sur le vieux par un tournoi dans la lice. Il lui crèvera l'oeil dans le heaume doré dans l'un des deux combats, puis il mourra de mort cruelle. |
Nostradamus : ce qu'il avait annoncé
Les étapes de la vie de Hitler
Décryptage
Pour ne pas conclure trop rapidement qu'il s'agissait de l'année 1939, j'ai essayé de voir quels événements pouvaient s'appliquer aux autres indices du sixain. Que ce soit pour 1639, 1739 ou 1839, je n'ai absolument rien trouvé de probant.
Le « phénix » de la légende vivait plusieurs siècles. Il était de la grandeur d'un aigle... lorsqu'il sentait sa fin approcher, il se construisait un nid avec des branches enduites de gommes odoriférantes, l'exposait aux rayons du soleil et s'y consumait. (Larousse)
La résidence d'été d'Hitler à Berchtesgaden s'appelle le « Nid d'aigle ». Sentant sa fin arriver, l'aigle [Hitler] se suicidera dans son bunker à Berlin.
« Plusieurs mourront. » Faut-il rappeler les six millions de juifs morts dans les camps de concentration ?
« Jusques six cent septante est sa demeure. » D'avril 1889 à avril 1945, date de la mort de Hitler, il y a très exactement 670 mois.
« Passé quinze ans, vingt et un, trente-neuf. » Il donne les trois dates de la vie de Hitler où celui-ci va être en danger. En 1915, Hitler est caporal dans l'armée allemande, il est gazé et hospitalisé. En 1921, le capitaine Röhm crée la SA. En 1934, la SA devient un tel danger pour la vie du Führer qu'il fait exécuter ses chefs pendant la Nuit des longs couteaux. Le parallèle est fait avec « Et le second au fer danger de vie ».
En 1939, le déluge d'eau - symbole de calamité biblique - et de feu symbolise le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Les faits historiques
Hitler naît en avril 1889 à Braunau. En 1915, caporal engagé dans la Grande Guerre, il est deux fois blessé. En avril 1945, après avoir appris que Mussolini et sa maîtresse ont été pendus à Milan, Eva Braun demande à Hitler : « Nous feront-ils la même chose ? - Ils ne le feront pas, répond le Führer, nos corps seront consumés par le feu jusqu'à ce qu'il n'en reste rien, pas même des cendres. »
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Plusieurs
mourront avant que phoenix1 meure Jusques six cent septante est sa
demeure Passé quinze ans, vingt et un, trente-neuf Le premier est sujet
à maladie Et le second au fer danger de vie Au feu, à l'eau est subjet
trente-neuf. |
Traduction |
Bien des gens mourront avant que ne meure le phénix [Hitler]. Au bout de cinquante-cinq ans et dix mois il trouvera sa [dernière] demeure quand auront passé les années 1915, 1921, 1939. En 1915, il sera frappé par la maladie ; en 1921, il aura une force guerrière dangereuse pour sa vie ; 1939 sera sujet à un déluge de feu. |
Nostradamus : ce qu'il avait annoncé
Guerres et amours napoléoniennes
Décryptage
On trouve dans le dictionnaire Larousse : « Foudre : employé au figuré, est du genre féminin ou masculin, selon que la métaphore se rapporte, dans la pensée, au sens physique ou au sens mythologique ; mais c'est ordinairement le sens mythologique qui prévaut, lorsqu'on veut désigner un guerrier ou un orateur impétueux. Napoléon était un foudre de guerre. »
Napoléon est un nom qui n'a jamais été porté par un roi français.
« Foudre » renvoie à « foudre de guerre », guerrier redoutable. Pourquoi ? Parce que « craintif », astuce du vieux français, signifie « qui est à craindre » et non le contraire.
Les références à l'Italie, à l'Espagne et aux Anglais ne souffrent d'aucun mystère : il s'agit de la campagne d'Italie, de la guerre d'Espagne, et du blocus continental imposé aux Anglais de Wellington. La femme étrangère désigne Marie-Louise d'Autriche, son épouse.
Les faits historiques
Par les décrets de Berlin et de Milan (décembre 1807), Napoléon interdit le commerce avec l'Angleterre dans la plupart des ports européens. Pour que le blocus soit efficace, il faut qu'il soit partout appliqué. Or le pape et le roi du Portugal refusent d'appliquer le blocus. Napoléon annexe les Etats pontificaux, emprisonne le pape et décide d'occuper le Portugal. Une armée française traverse l'Espagne pour atteindre le Portugal. Divorcé de Joséphine, il épouse une étrangère, Marie-Louise d'Autriche.
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Du nom qui
oncques ne fut au Roy Gauloi |
Traduction |
D'un nom qui ne fut jamais porté par le roi de France [Napoléon], jamais on ne vit un si redoutable foudre [de guerre] : il fera trembler l'Italie, l'Espagne et l'Angleterre, très attentionné pour une femme étrangère. |
Nostradamus : ce qu'il avait annoncé
L'exécution de Louis XVI
Décryptage
« Par grand discord » est l'expression du désaccord entre les Montagnards qui réclament le jugement du roi et les Girondins qui souhaitent retarder le procès.
« La trompe de chasse » renvoie au rituel de l'hallali.
« Dressant la tête du Ciel » désigne le bourreau qui soulève la tête du roi, unique représentant de Dieu sur terre.
« Sa face ointe du lait et du miel », image symbolique se rapportant au sacre royal.
Les faits historiques
Le roi est emprisonné après la journée du 10 août 1792 (prise des Tuileries et massacre des gardes suisses). Le souverain descend lentement de voiture, se laisse lier les mains. En haut de la plate-forme, il s'exclame : « Peuple ! je meurs innocent. » Le bourreau montre la tête du roi au peuple, avant qu'elle ne tombe dans le panier de la guillotine. Dans son testament du 25 décembre 1792, il écrivait qu'il ne se reprochait aucun des crimes dont on l'accusait.
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Par grand
discord la trombe1 tremblera |
Traduction |
Au milieu d'un grand désaccord la trompe de chasse [de l'hallali] sonnera, l'accord ayant été rompu, [le bourreau] dressant la tête [du roi] du Ciel, la bouche sanglante nagera dans le sang, sa face ointe du lait et du miel [du sacre] sera au sol. |
Nostradamus : ce qu'il avait annoncé
Franco et les puissances de l'Axe
Décryptage
« De castel Franco sortira l'assemblée », il s'agit d'une construction latine où le complément de lieu se situe en début de phrase.
« Castel » du latin castellum , désigne une place forte et la Castille. Burgos, en Espagne, chef-lieu de la Vieille-Castille est une place forte naturelle située sur un promontoire rocheux où Franco est nommé généralissime le 12 septembre 1936.
« L'assemblée » renvoie au mot « junte » synonyme de Conseil en Espagne et au Portugal.
« L'ambassadeur non plaisant », c'est une épithète qu'il donne à Franco. En 1934, Franco remporte la guerre du Rif avec Pétain et capture Abd el-Krim. Cette gloire nouvelle dérange le pouvoir politique espagnol en place. Franco est alors exilé comme ambassadeur au Canaries.
« Scisme » est une aphérèse, c'est-à-dire une figure qui ôte une lettre ou une syllabe au début d'un mot. Nostradamus évoque en réalité le « fascisme » et utilise cette figure de style pour obtenir les dix pieds nécessaires à son vers décasyllabique.
« Ribière » est la francisation de Rivera puisqu'en espagnol, le v se prononce b. Il s'agit donc d'une allusion à Primo de Rivera, fondateur du fascisme espagnol et allié de Franco.
« Goulphre » se dit des malheurs ou des misères où l'on tombe. En déclenchant la guerre, l'Allemagne reflète cette image. Franco refusera l'entrée de l'Espagne aux troupes allemandes (« desnieront l'entrée »).
Les faits historiques
Une junte de généraux nomme Franco généralissime à Burgos, le 12 septembre 1936, puis chef du gouvernement le 1er octobre. Le 4 mars 1934, Primo de Rivera réalise à Valladolid la fusion de la phalange et des juntes offensives nationales-syndicalistes.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le général Franco, malgré ses liens stratégiques avec les puissances de l'Axe, reste neutre et refuse le passage des armées allemandes à travers l'Espagne.
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De castel1
Franco sortira l'assemblée2 L'ambassadeur non plaisant fera scisme Ceux
de ribière seront en la meslée Et au grand goulphre desnieront l'entrée. |
Traduction |
Franco sortira d'une junte dans une place forte de Castille. L'envoyé qui n'aura pas plu, fera le [fa]scisme, ceux de [Primo] de Rivera seront avec lui ; ils refuseront l'entrée au grand gouffre de malheurs [l'Allemagne]. |
Nostradamus
Le médecin des têtes couronnées
On connaît surtout ses Prophéties
, publiées à Lyon en 1555, et maintes fois commentées. Mais on oublie qu'il est
avant tout un médecin, et non des moindres.
Par Jacqueline Allemand
*
Michel de Nostre-Dame s'éveille à la vie dans la petite bourgade de Saint-Rémy, engourdie dans le froid de ce 14 décembre 1503. Dans cette famille de juifs convertis, de médecins et de notaires, l'enfant s'épanouit et fait fructifier le savoir familial. Les deux grands-pères ont des maisons mitoyennes et l'enfant passe de l'une à l'autre posant des questions sur le ciel, les mathématiques, l'histoire des origines, observant la récolte du raisin et l'alchimie qui s'ensuit dans la vigne des chanoines qui jouxte les logis.
Il préfère au patrimoine bâti, légué par son père, un pécule qui lui permet de voyager et de pousser ses études de médecine le plus loin possible, à l'image de son bisaïeul paternel, Pierre de Sainte-Marie. Celui-ci avait été autorisé, en 1453, par lettres du roi René, à exercer la chirurgie et la médecine en Provence. Licencié l'année suivante, il avait dû quitter Marseille pour Arles puis Avignon, accusé par les apothicaires de préparer lui-même ses décoctions, de peur qu'un apprenti ne les lui gâche. Michel affirmera la même détermination dans ses écrits. A quinze ans, celui-ci est étudiant à Avignon quand arrive de Milan un jeune professeur, juriste humaniste bientôt célèbre : André Alciat. Mais au droit et à la philosophie, Michel préfère « l'art de mediciner » qui, selon lui, est suprême science, ainsi qu'il l'écrira dans sa Paraphrase de Galien (1557). Pour l'heure, le jeune homme loge chez sa tante, mariée à un teinturier, et déjà, le mélange des plantes et les vertus du pastel n'ont plus de secret pour lui.
En 1520, le collège (université) ferme ses portes pour cause de peste. Le jeune homme s'en va « apprendre la pharmacaitrie, la connaissance et la perscrutation des simples ; par plusieurs terres et pays ; depuis l'an 1521 jusques à l'an 1529, incessamment courant, pour entendre et sçavoir la source et origine des plantes et autres simples », comme il l'explique dans la préface à son fils ( Prophéties , 1555).
C'est à l'université de médecine de Montpellier qu'il s'inscrit le 23 octobre 1529. L'année suivante, François Rabelais s'y inscrit à son tour. Il y reviendra, en 1537, pour commenter Hippocrate en grec. Les deux hommes se seraient côtoyés pendant des mois, sans qu'aucune source sérieuse n'en témoigne.
La renommée de cette université, depuis le XIIIe siècle, tient à la combinaison de l'étude des textes anciens, médicaux et philosophiques, et de l'intérêt porté à la pratique, tant sur le plan de la pharmacopée, que dans le domaine clinique. La formation des étudiants, avant d'en arriver à la « dispute » (examen oral), exige un stage pratique contrairement à ce qui se passe dans d'autres villes comme Paris. Ainsi, la connaissance poussée de l'anatomie prépare la place à la physiologie qui va s'installer dès le siècle suivant.
L'imprimerie est le moteur des progrès de la science médicale du XVIe siècle car elle permet de diffuser les textes et leurs commentaires. A Montpellier, on étudie les ouvrages d'Hippocrate, de Galien, de Pline dans des compilations arabes, souvent traduites en latin par des juifs espagnols. On commente Avicenne ou Rhazès et la nécessité de retourner aux sources grecques s'impose. Les dissections permettent de comparer l'anatomie aux descriptions de Galien qui opérait sur des animaux et commettait quelques erreurs. Certains préfèrent miser sur une évolution probable du corps humain plutôt que sur une erreur de Galien, tant sa renommée est grande !
Guillaume Rondelet dissèque, devant ses étudiants, le corps de son propre enfant qui vient de mourir. Nostradamus l'admire et pense qu'il doit être, « par divine mutation », une sorte de réincarnation de Dioscoride, médecin grec du Ier siècle apr. J.-C., auteur du De materia medica . Cet ouvrage, traduit par Matthiole à la Renaissance, expliquait aux médecins tout ce qu'il fallait savoir sur les plantes, les chairs d'animaux réduites en cendres, et les roches pulvérisées qui entraient dans la composition des médicaments.
Une fois obtenue la « faluche » (bonnet carré des médecins), vers 1534, Nostradamus part traquer la peste à Toulouse, Auch, ou Bordeaux. Il séjourne, à Agen, auprès d'un autre médecin philosophe renommé : Jules César Scaliger. L'Inquisition le force à quitter cette région. Médecin périodeute (ambulant), il reprend son errance. Il est signalé à Lyon, Vienne, Valence, Marseille. Il laisse un rapport sur les prisonniers d'Aix-en-Provence, daté de 1545, et, dans son Traité des Fardements et Confitures , une description très détaillée de la peste, qu'elle soit bubonique ou pulmonaire. Il ajoute que la contagion est si violente que plusieurs « se sont jettes dedens les puix, d'autres se sont precipitez de leurs fenestres en bas sur le pavé », et « la desolation estoit si grande, que avec l'or & l'argent à la main, souvente fois mourroit-on par faute d'un verre d'eau ». Pour lutter contre ce fléau, il crée un électuaire à base de plantes et d'oeufs.
En 1546, G. Fracastoro explique dans le De contagione que les maladies se propagent grâce à des germes (seminaria) qui peuvent se transmettre par l'haleine ou les vêtements. Au même moment, Nostradamus met en pratique les premières notions d'hygiène, sans doute plus efficaces que le médicament lui-même : répandre du vinaigre et des essences de plantes, faire brûler une torche, se protéger la bouche et le nez, sont des mesures capables d'éradiquer une épidémie plus sûrement qu'une saignée ou un lavement !
Ce XVIe siècle est un tremplin pour la médecine qui va se libérer lentement des lourdes chaînes de la magie ou de la religion. Dès la naissance, la mort rôde. La quête de l'homme se porte sur la conservation des équilibres du corps et de l'esprit, de l'homme et de l'univers. Le docteur en médecine, philosophe avant d'être médecin, disserte autour d'une matula (flacon). C'est un « mireur d'urines », un beau parleur que nul ne comprend.
Au chevet du malade, c'est une tout autre histoire. A l'exception d'Ambroise Paré qui, à Paris, à l'enseigne des Trois Bassins, rue de l'Hirondelle, opère de la cataracte et pratique des accouchements, le praticien n'a pas de cabinet. Il se rend auprès des riches qui l'appellent et délaisse les campagnes. C'est ainsi qu'en 1555, Nostradamus se rend à Paris à la demande de Catherine de Médicis. Neuf ans plus tard, Charles IX le nomme médecin ordinaire du roi, conseiller de la reine.
De nombreux détails, dans ses textes, renseignent le lecteur quant à la façon dont s'exerce l'art suprême. Le modèle est, selon lui, Hippocrate : « Le Phénix de l'art médical a tant divinement écrit qu'il n'est possible, à homme de sçavoir imiter », et son texte des Epidémies démontre « clairement qu'il avoit beaucoup de malades à veoir », ce qu'il le remplit d'admiration. Il rend hommage à la ville d'Agen, rendue célèbre par la venue de Scaliger qui a l'éloquence d'un Cicéron, et vaut « en la doctrine de médecine deux Galiens ». Il loue aussi la ville de Lyon qui possède « une même renommée grâce à la personne de Philibert Sarrazin » qu'il a déjà questionné sur ses principes, lorsqu'il était plus jeune. Il évoque, bien sûr, « la cité fameuse » de Montpellier où tous les grands médecins viennent parfaire leur savoir, mais il est plus réservé sur Marseille, « une cité qui est abondante de tout simples medicaments » mais qui le surprend : « Je n'oserois dire les meschansetes qu'ilz se commettent en la composition de la medicine » - n'oublions pas les déboires de son bisaïeul dans cette ville.
Il se plaint aussi de l'université d'Avignon où « sont plusieurs, qui sont tout le contraire que Christus nous a commandé, quand il disoit que l'on se preparast thresor au ciel, ou les larrons ne desrobent point », et où les étudiants doivent parfois aller chercher chez eux les professeurs qui sont payés mais n'ont pas envie d'assurer leurs cours !
Après avoir hanté, comme il dit, les villes de grand savoir, c'est à Salon-de-Provence qu'il décide de s'installer dès 1547. Convaincu qu'il « n'est permis à ceux exerceant la faculté iatrice [curative] de rien rédiger par mémoire quilz ne soient au soleil couchant [vieux] », il va pouvoir écrire puisqu'il a atteint un âge raisonnable. Outre ses Prophéties et un traité des hiéroglyphes, Orus Apollo (interprétation des signes égyptiens à partir du texte d'un grammairien du Ve siècle), resté à l'état de manuscrit, il laisse des ouvrages de médecine : un Traité des Fardements et Confitures pour lequel il est conscient d'être le premier à détacher les recettes de confitures des livres de médecine. La Paraphrase de Galien , superbe texte, plus philosophique que médical, dans lequel il énonce des petites morales qu'il serait bon de méditer aujourd'hui. Pour publier ses livres, Nostradamus se rend plusieurs fois à Lyon, la ville des imprimeurs humanistes où il rencontre d'autres médecins célèbres.
Michel de Nostre-Dame, d'origine juive, se dit bon catholique et fréquente des réformés, traduit des textes grecs et latins pour diffuser le savoir qu'ils contiennent. Il possède dans sa bibliothèque des ouvrages d'Erasme et de Thomas More. Il fait partie lui-même de ces humanistes qui veulent aider leurs semblables à trouver l'harmonie du monde. Le surnom qu'il s'est choisi en témoigne : nostra damus , « nous donnons nos choses », c'est-à-dire « nous transmettons notre savoir ».
* Ancien professeur de mathématiques, Jacqueline Allemand dirige actuellement la Maison de Nostradamus à Salon-de-Provence (04 90 56 64 31).
Repères |
1503
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Le "mireur d'urine" |
A la Renaissance, le docteur en médecine disserte beaucoup sur le flacon d'urine, ce qui n'est pas d'un grand secours pour le malade. |
Comprendre |
Fardement
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Les Prophéties,
un témoignage des guerres de Religion
Au lieu de chercher dans ses
textes de contestables prédictions, pourquoi ne pas y voir la chronique
angoissée d'une époque noire ? En voici une relecture salutaire.
Par Hervé Drévillon *
Le formidable succès des Prophéties de Nostradamus n'en finit pas d'étonner et, souvent, d'agacer. L'hermétisme de la langue utilisée dans les Centuries astrologiques (ainsi nommées en raison de leur classement par cent quatrains) leur confère une plasticité telle qu'elles semblent pouvoir s'adapter à toutes les époques, à toutes les craintes face à l'avenir et au présent. Toutefois, l'actualité sans cesse renouvelée de Nostradamus ne doit pas faire oublier que ses Prophéties ont été composées dans le contexte bien particulier des guerres de Religion. Au lieu d'y lire l'improbable annonce de maux futurs toujours à venir, pourquoi ne pas y rechercher la chronique inquiète et inquiétante d'une époque troublée ? Nostradamus se révélerait alors meilleur journaliste que prophète.
Les Prophéties ont été publiées entre 1555 et 1557, à une époque où la tension politique et religieuse approche de son paroxysme. Le 4 septembre 1557, alors que les conversions à la foi réformée se multiplient à la Cour, une assemblée calviniste est surprise dans Paris et provoque l'arrestation de 128 personnes dont 7 condamnations au bûcher. En Europe, et plus particulièrement dans le Saint Empire, le schisme religieux a déjà provoqué des guerres dont Nostradamus connaît les détails grâce à la correspondance qu'il entretient avec des « clients » installés sur tout le continent. Il n'est donc pas surprenant que ses Prophéties portent la trace de l'actualité qu'il vit. En effet, les quatrains décrivent de façon obsessionnelle un climat de violence et de mort. Parmi d'innombrables exemples, citons celui-ci (II.46) : « Apres grand trouble humain, plus grand s'apreste/Le grand moteur les siecles renouvelle./Pluie sang, laict, famine, fer & peste./Au ciel veu feu, courant longue estincelle. »
Bien souvent, sous la plume de Nostradamus, la barbarie prend le visage du schisme religieux qui constitue l'un des signes déclencheurs de l'Apocalypse. En fait, les Prophéties décrivent une succession de paroxysmes de violence dont l'Eglise catholique ou le pape apparaissent comme des victimes récurrentes. Le quatrain (I.15) qui suit prédit la ruine des gens d'Eglise, mais aussi de leurs adversaires (« qui d'eux rien voudront entendre »), c'est-à-dire les réformés : « Mars nous menasse par sa force bellique/Septante foys fera le sang respandre/Auge & ruyne de l'Ecclesiastique/Et plus ceux qui d'eux rien voudront entendre. »
Les Centuries de Nostradamus constituent un véritable témoignage de leur temps et figurent à ce titre parmi d'autres grands textes tels que le Discours sur les misères de ce temps (1562) de Ronsard ou, plus tard, les Tragiques (1616) d'Agrippa d'Aubigné. Du reste, Ronsard considère la poésie comme un art visionnaire voué à la révélation de l'ordre caché - présent ou futur - du monde. De Nostradamus, il écrit en 1560 : « Comme un oracle antique, il a dès mainte année/Prédit la plus grande part de notre destinée. » L'hermétisme des Prophéties n'est pas un obstacle, mais au contraire, une composante de leur aptitude à témoigner d'une histoire vécue. En effet, même si leur sens littéral peut difficilement être appréhendé, elles possèdent un réel pouvoir d'évocation. Au moment même où sont débattus les principes de la poésie en langue française ( Art poétique français , Thomas Sébillet, 1548 et Défense et Illustration de la langue française , Joachim du Bellay, 1549), Nostradamus invente un véritable langage poétique. Il existe ainsi une profonde concordance entre l'atmosphère de chaos qu'il décrit dans ses quatrains et le style qu'il choisit pour la représenter. La langue de Nostradamus est pleine d'inventions, de tournures inusitées et déroutantes qui introduisent le désordre dans la syntaxe et le lexique. L'inquiétude face à la violence et aux catastrophes prédites trouve ainsi une façon inquiétante de s'exprimer ; le désordre des mots n'étant que le reflet du désordre des choses.
Le succès immédiat de Nostradamus doit sans doute plus à son génie littéraire qu'à ses capacités visionnaires. Son oeuvre dit la violence d'une époque déchirée par le schisme religieux et hantée par la perspective du Jugement dernier.
A la Renaissance, les spéculations sur l'avenir ne sont pas le fait de quelques rares charlatans. L'astrologie est une culture commune fondée sur la certitude que chaque chose ou chaque événement est un signe. L'avenir est alors perçu comme l'avènement d'une réalité déjà écrite. Loin de s'y opposer, les sensibilités religieuses du XVIe siècle s'accordent parfaitement avec cette vision du monde. Les catastrophes naturelles, les anomalies climatiques ou biologiques suscitent des interprétations qui associent l'exégèse biblique à des méthodes de décryptage inspirées de l'astrologie. Si l'Eglise dénonce les prédictions astrologiques présentées par leurs auteurs comme des certitudes, elle ne pourchasse que rarement les astrologues. Les controverses entre astrologues et théologiens ne portent pas sur la légitimité de la démarche astrologique, universellement reconnue, mais sur le degré de contingence des prédictions et sur la place qu'elles réservent au libre arbitre des hommes. Pour les réformés, l'ambivalence est la même. Alors que Luther admet l'importance et la légitimité de la divination, Calvin dénonce les astrologues dits judiciaires, qui prédisent avec arrogance l'avenir des hommes.
Ainsi, le conflit religieux survient-il dans un contexte d'inquiétude où les moindres signes de la colère divine sont observés et décryptés avec la certitude qu'ils annoncent le Jugement dernier. Selon l'historien Denis Crouzet, ce climat aurait largement contribué au déchaînement de la brutalité puisque la perception de l'adversaire religieux comme un possible antéchrist institue la violence en ultime recours purificateur et salvateur. Nul auteur n'a exprimé mieux que Nostradamus ce lien entre la violence et l'angoisse eschatologique. D'ailleurs, ses contemporains ont perçu les enjeux politiques et religieux de la vision du monde qu'il offre dans ses Prophéties . De part et d'autre du clivage confessionnel, le prophète et son oeuvre sont à la fois controversés et exploités.
L'expression publique de sentiments religieux de Nostradamus s'est toujours limitée à de prudentes déclarations de fidélité à l'égard de l'Eglise catholique romaine. Dans la Lettre à Henry second (1558) le prophète provençal témoigne « devant Dieu & ses saints », qu'il prétend « mettre rien quelconque par écrit en la présente épître, qui soit contre la vraie foi Catholique ». Pourtant, malgré cette profession de foi, il est soupçonné de sympathie pour la Réforme dans sa ville de Salon-de-Provence. En 1561, dans une lettre adressée à l'un de ceux qui le consultent par écrit, il apporte des détails intéressants sur sa situation personnelle. Il décrit le climat de discorde religieuse en des termes qui témoignent d'une certaine équivoque: « La fureur commence à s'exciter tant chez ceux qui défendent la tradition papiste - c'est-à-dire la multitude, en particulier les gens simples - que chez ceux qui professent la doctrine d'une piété authentique. » De fait, un prédicateur franciscain provoque une émotion populaire dirigée contre les réformés. « Au nombre des luthériens, ils désignaient Nostradamus », écrit-il avant de conclure : « Effrayé par cette rage violente, j'ai fui en Avignon, c'est-à-dire pour échapper à la fureur d'une populace déchaînée. »
Même si Nostradamus n'est pas aussi clairement « luthérien » que le pense le peuple ému de Salon-de-Provence, son appréciation sur l'incident laisse paraître une certaine sympathie pour la Réforme et un évident mépris pour la populace papiste. Toutefois, dans ses prises de position publiques, notamment dans ses écrits, rien ne transparaît de ces sentiments. Les plus farouches détracteurs des Prophéties se recrutent d'ailleurs dans les rangs des érudits protestants. Plusieurs pamphlets d'inspiration calviniste ont condamné l'oeuvre sous tous ses aspects. En 1558, un médecin avignonnais s'en prend ainsi à l'ineptie de la méthode astrologique employée dans les Prophéties . Sa Déclaration des abus, ignorances et séditions de Michel de Nostradamus accuse leur auteur de n'être qu'un « pauvre sot » incapable de « calculer le moindre mouvement d'aucune étoile que ce soit ». L'astrophile est aussi accusé d'être l'un de ces « faux prophètes qui prophétisent fausseté, vision fausse, divination, rêverie et tromperie de leur coeur : lesquels Dieu n'a point envoyés ». Antoine Couillard, un autre auteur calviniste, perçoit plus nettement les implications politiques des Centuries . Selon lui, l'expression de la terreur et de la violence risque de renforcer ces maux au lieu de les apaiser, car elle fait « trembler les pusillanimes d'une terrible peur et crainte future et les plonge en flots et troubles d'ennuyeuses passions ».
Du côté catholique, l'oeuvre de Nostradamus ne suscite pas autant de controverses. L'Eglise ne prononce aucune condamnation et, au cours des guerres de Religion déclenchées en 1562, les Prophéties sont sans ambiguïtés enrôlées dans le camp de l'Eglise romaine. Très tôt après sa mort, le personnage est exploité par des auteurs qui s'emparent de sa notoriété et de son héritage. Dès 1569, un certain « Michel de Nostredame le Jeune » publie des prédictions. Puis, en 1570, débute la longue oeuvre d'« Antoine Crespin Nostradamus dit Archidamus » qui fait imprimer pendant vingt ans des prédictions astrologiques inspirées par l'actualité politique et religieuse. Commentateur, imitateur et continuateur de Nostradamus, Antoine Crespin est un fervent catholique, qui justifie, à l'occasion, la répression de l'hérésie protestante par la violence. Ainsi l'exploitation de l'oeuvre de Nostradamus est-elle rapidement marquée par les enjeux politiques et cette caractéristique est demeurée constante jusqu'aujourd'hui. A la fin des guerres de Religion, les protestants ne s'y sont pas trompés et ont vu dans Nostradamus un auteur engagé dans la cause catholique.
Mais, au-delà d'une lecture partisane des Centuries , il faut retenir cette parfaite adéquation avec l'esprit d'une époque qui ne cherche pas uniquement à se faire peur en se contemplant dans ce miroir. Car, si l'oeuvre de Nostradamus exprime parfaitement le climat de terreur et de violence qui règne alors, elle en délivre aussi l'antidote en donnant un sens à l'Histoire. Le malheur des hommes cesse alors d'apparaître comme arbitraire pour devenir l'expression d'une destinée. Face aux désordres de son temps, Nostradamus sait aussi apporter quelques consolations. Dans la Lettre à Henry second , il livre, en effet, une part de la clé des Prophéties . Il explicite la durée et la cyclicité de ses prédictions prévues pour s'accomplir jusqu'en l'an 3797. La fin ultime qu'il prévoit s'apparente plus à un rêve millénariste qu'à une vision apocalyptique. A la fin du texte dédié à Henri II, il évoque une fin heureuse qui surviendra lorsque « commencera entre Dieu et les hommes une paix universelle ».
En 1594, Jean-Aimé de Chavigny, le secrétaire personnel de Nostradamus à la fin de sa vie, publie La Première Face du Janus français , un ouvrage retraçant l'histoire des guerres de Religion à la lumière des Prophéties . Ce livre fait date, ouvrant la voie à une foule d'imitateurs qui ont cherché à décrypter l'histoire avec le secours des Centuries . Car, contrairement à ce que l'on imagine souvent, Nostradamus sert moins à prédire l'avenir qu'à contempler le passé à la recherche de concordances entre ses Prophéties et l'Histoire. Cette fonction, qui permet de donner un sens au déroulement apparemment chaotique des événements, est particulièrement mise en évidence pendant les guerres de Religion. Elle assure aussi à la postérité de Nostradamus une vigueur qui n'est pas près de faiblir.
* Agrégé et docteur en Histoire, Hervé Drévillon travaille sur les officiers dans l'armée de Louis XIV (culture, carrières, pratique de la guerre, etc.). Il a publié Lire et écrire l'avenir. L'astrologie dans la France du Grand Siècle (Champvallon, 1996) et Histoire culturelle de la France, XVIe-XVIIIe s, (Armand Colin, 2002).
Un homme pris dans la tourmente des luttes fratricides |
1er mars 1562
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Comprendre |
Centuries
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La violence comme instrument de la colère divine |
La première guerre civile (1562-1563) donne le ton. Dans les villes où la poussée catholique est forte, les massacres de huguenots sont systématiques : à Sens en avril 1562, les catholiques détruisent une grange servant de temple et tuent les participants au culte ; à Tours en juillet 1562, 200 réformés sont assommés et jetés dans la Loire. Inversement, les protestants se livrent à de terribles représailles lors de la reprise des villes, comme lors du sac d'Orange en juin, de Blois en juillet, de Sisteron en septembre. |
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Des hommes politiques en quête
d'avenir
Par Eric Pincas
lls sont légion parmi les hommes d'Etat du XXe siècle à avoir consulté voyants ou astrologues à un moment donné de leur carrière. Solitude du pouvoir, recours - paradoxal - à l'irrationnel comme outil de prise de décision, curiosité pour les arts divinatoires : les motifs qui conduisent des hommes éclairés à se tourner vers des « conseillers en sciences occultes » sont multiples. Pour mesurer l'intérêt de nos dirigeants pour l'astrologie (toutes tendances politiques confondues), nous leur avons demandé de répondre aux questions suivantes : 1) Lisez-vous régulièrement votre horoscope ? 2) Si oui, quel crédit y apportez-vous ? 3) Avez-vous déjà consulté un astrologue au cours de votre carrière politique ?
Comme nous pouvions nous y attendre, sur les onze personnalités contactées **, seules deux nous ont livré leur réponse. Preuve que le sujet demeure incontestablement tabou. Pour comprendre les raisons de ce silence, nous avons rencontré Sylvie Jumel, auteur d'un ouvrage intitulé La Sorcellerie au coeur de la République (Carnot, 2002) et qui s'intéresse aussi à l'influence de l'astrologie sur les grands dirigeants. Un constat s'impose selon elle : « Le phénomène n'est pas assumé. Il n'est pas politiquement correct d'en parler parce qu'il touche l'ordre du privé. » Et de préciser : « Quand j'ai mené mon enquête, tous les journalistes politiques m'ont confirmé qu'ils sont au courant de ce genre de pratique. Mais quand il s'agit de citer leur témoignage, aucun n'a le courage de donner son accord. » Historia vous propose de découvrir ci-dessus un échantillon non représen-tatif (!) des hommes de pouvoir - passés et présents - qui, bien plus souvent qu'on ne le croit, ont fait ou font encore secrètement appel aux astres. Vous en doutiez-vous ?
Joseph Staline* |
Le choix de Stalingrad pour bloquer l'avancée allemande lui aurait été suggéré par le voyant Waolf Massin. |
Winston Churchill* |
Dans les périodes troublées, le Premier ministre britannique consultait la voyante Barbara Harris. |
Charles de Gaulle* |
Entre 1944 et 1969, le Général a consulté à maintes reprises l'astrologue Maurice Vasset alias Regulus. |
Laurent Fabius |
Dans son livre Cela commence comme une balade , il affirme lire attentivement son horoscope. |
Olivier Besancenot |
Réponse sans détour : "Je ne lis jamais mon horoscope et je n'ai jamais consulté un astrologue." |
André Santini |
"Balance ascendant Sagittaire, je lis mon horoscope tous les jours. Je le crois quand il est bon et m'en méfie quand il ne l'est pas. Toutefois, je ne consulte pas d'astrologue." |
Roselyne Bachelot |
"Il y a quelque chose d'un peu... obsessionnel chez la Vierge ou je me reconnais." (astroariana.com) |
François Mitterrand |
Après Madame Soleil, c'est l'astrologue Elisabeth Tessier qui conseillera le chef de l'Etat de 1989 à 1995 |
Aristide Briand*..., Georges Clémenceau*..., Jean Jaurès*..., Raymond Poincaré* |
Ces quatre grandes figures de la IIIè République se croisaient dans le cabinet de la célèbre chiromancienne Mme Maya. |
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* Ces informations nous ont été aimablement communiquées par André Santini, lors de notre entretien. ** Roselyne Bachelot, Olivier Besancenot, François Bayrou, Marie-George Buffet, Bertrand Delanoë, Laurent Fabius, Claudie Haigneré, Jack Lang, Noël Mamère, Arnaud Montebourg, André Santini.
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© Historia mensuel -
01/01/2004 - N° 685 - Rubrique Dossier - P 76 - 457
mots - Dossier : Le pouvoir occulte des astrologues