Droit de réponse


Jacques VANAISE

(présentation)

Sa réponse au "Monde" suite à l'article "les signes du Zodiaque sont tous faux"

 

Carte blanche

L’astrologie est avant tout une « langue poétique »

Des amis bien intentionnés m’ont transmis une copie de l’information parue dans l’une de vos récentes éditions (« Le monde de l'astrologie en émoi » : les signes du zodiaque sont tous faux -AFP | 15.01.11 | 02h47)  et annonçant avec superbe que des astronomes du Minnesota, aux Etats-Unis, ont enfin pu déterminer que les signes du zodiaque ne correspondent plus aux constellations du même nom.  Quant au lecteur, le voici soudain désemparé, puisqu’on l’incite à changer de case, au moment de lire son horoscope du matin, les faux « Verseaux » étant bien entendu de vrais « Capricornes », ceux-ci étant désormais des « Sagittaires », et ainsi de suite…

J’ai peine à croire que ces astronomes vivent un complet ébahissement depuis leur découverte et un tout aussi total ravissement  à l’idée d’avoir enfin démontré l’inanité de l’astrologie.  La précession des équinoxes (due au fait que la terre oscille sur son axe, comme précisé dans votre article) est connue depuis plus de deux millénaires.  Ainsi, Hipparque (190 - 170 avant JC), déjà, a fait une estimation du phénomène de la précession.  Et, dans le domaine qui nous occupe, cela fait des siècles que les astrologues en connaissent le principe et les conséquences.

C’est donc un pétard fortement imbibé qui ne risque d’embrouiller que l’esprit de celui (ou de celle) qui ajuste chaque matin le cours de sa journée aux caprices des astres.   Cela étant dit, je ne puis qu’encourager toute initiative conduisant à discréditer les dérives d’une pratique mercantile de l’astrologie.

Autre chose est de dénoncer les fondements mêmes de l’astrologie quand on ne les connaît pas ou quand on fait mine de les ignorer.   L’astrologie ne se fonde pas exclusivement (loin s’en faut) sur une influence des constellations (toutes inégales et tellement lointaines) ; de même que ces constellations sont pour bien peu de chose dans la croissance de mes salades et le mûrissement de mes tomates. 

Pour l'astrologie comme pour le jardinage, c'est le phénomène saisonnier qui est pris comme référence, et plus précisément ce qu’on appelle la photo périodicité (variation des rythmes liés à l’alternance jour / nuit) (bien que ce modèle pose problème lorsqu’on entend le considérer pour l’ensemble de la planète, puisque, comme on le sait, les saisons ne sont pas les mêmes au Nord et au Sud de l’équateur).

Aventurons-nous sur un autre terroir…  Depuis que le monde est monde et depuis que la vie poursuit son chemin d’évolution, à l’intérieur (mais même cela est assez relatif) du système solaire, une organisation (une mémoire ?) biologique constitue notre héritage commun.

Sans entrer dans le détail (j’ai intérêt à ce que mon propos soit simple et court), nous pouvons respirer sur notre planète et nous nourrir de ce qu’elle produit tout simplement parce que nous sommes faits du même « matériau ».  Cette idée (qui tient presque lieu ici de métaphore) souligne à quel point nous sommes redevables du passé de l’univers.

Nous sommes conditionnés. Eh oui ! Autant le savoir.  Mais ce conditionnement n’enlève rien à notre liberté. 

Au moment de naître, nous recevons chacun (et chacune) (et inévitablement) un premier héritage : à travers les gênes que nous ont transmis nos parents, c’est en quelque sorte toute l’histoire physique de l’humanité qui nous est transmise.

Songeons aux millions d’années qui ont été nécessaires pour modeler l’évolution et pour nous permettre, à notre tour, d’être là, avec nos particularités et surtout notre potentiel. 

Puis, dès les premières années de notre vie,  nous sommes en contact avec un deuxième héritage : le patrimoine de notre milieu social et de notre culture.  Lui aussi conditionne nos premiers pas et, à travers une multitude d’apprentissages, nous permet de gagner un temps extraordinaire.  En effet, nous n’avons pas besoin de réinventer (par exemple) le complexe d’Œdipe : il s’implante en nous tout « naturellement »…

En effet, l’interaction entre nos capacités de parole, de compréhension et d’action, d’une part, et tout ce qui les sollicite, de l’autre, voilà ce qui nous permet de devenir celui (celle) que nous sommes, autrement dit : de descendre dans l’arène ou de nous mettre en chantier.

Et alors, l’astrologie ?  Que vient-elle faire là-dedans ?

Pour  l’astrologie (tout comme pour ce qu’on appelle la psychologie des profondeurs), nous disposons également, dès notre naissance, d’un troisième (et tout aussi important) héritage et qui tient lieu de « compétence », à savoir le patrimoine psychique de toute l’humanité.  Ce sont ici les caractères humains et les images (les archétypes), présents dans l’inconscient collectif, dont nous disposons.  Ici aussi cette transmission nous permet un extraordinaire gain de temps. 

Pour faire court (très court) l’astrologie considère effectivement chaque naissance comme une sorte de déclic grâce auquel  se concentre et se transmet tout le psychisme collectif humain.  On y retrouve les innombrables sédiments dont l’humanité est faite.  Ces « dépôts » sont collectifs; mais ils sont en quelque sorte ré-agencés en une équation personnelle et unique. 

Une telle option (ou hypothèse) rejoint l’héritage mythique, culturel et aussi cultuel qui a « sédimenté » au cours des millénaires les  matériaux psychologiques qui nous sont communs et à partir desquels nous allons, chacun, élaborer le prodige de notre conscience.

En tout cela, l’astrologie s’occupe bien moins d’une supposée influence directe des planètes ou des étoiles (à moins que d’explorer aujourd’hui certaines théories déduites des champs unitaires proposés par la physique quantique, mais c’est une autre histoire…) ; que de la présence en nous-mêmes d’un véritable théâtre intérieur.

Pour approcher, décrire et extrapoler ce théâtre, l’astrologie (sérieuse) est avant tout un langage, une langue poétique, un discours susceptible de faire écho et sens en nous, au moment de l’entendre.  Et ceci, à seule fin d’éclairer le processus psychique inconscient qui nous a conduit, entre la naissance et l’âge d’homme, à forger, ou plutôt à manifester et à exprimer notre propre scène intérieure, celle-ci constituant le décor, rien de plus, rien de moins, de notre personnalité.

Comme le disait déjà (il y a fort longtemps) les anciens, le ciel qui intéresse l’astrologie est avant tout un ciel intérieur.  L’autre n’est que le « pré – texte » pour nous dire à nous-mêmes et sur nous-mêmes quelques petites choses susceptibles de nous éclairer quant au mystère de notre personnage, discret ou mondain, au milieu des autres hommes.

La vraie astrologie ne dit donc pas que les étoiles (et les constellations) sont la cause de ce qui se passe en nous ; mais plutôt que le rythme qui organise le système solaire est (sans doute) à l’image de la structure (et de la langue symbolique) qui compose notre imaginaire. 

Ce rythme et cette structure dessinent à grand trait (et tout au plus) le relief paisible ou accidenté de notre voyage.  Mais jamais la carte n’est le territoire et nous avons la responsabilité d’être (ou de devenir) des voyageurs conscients, à savoir : informés de leurs conditions d’origine et déterminés quant à leur but.

Voilà pourquoi je souris (avec amertume) en lisant que « de sérieux astronomes ont pris du temps pour rétablir la vérité (et) pour prouver l’absurdité de l’astrologie qui tente de se parer d’attributs scientifiques, pour convaincre de son efficacité.

Sur ce dernier point, je suis d’accord avec eux : l’astrologie n’a rien de scientifique, dans le sens courant du terme.  Par contre, mon amertume se mue en dérision lorsque je sais que certains astrologues utilisent aujourd’hui un zodiaque sidéral…  soi-disant mieux accordé aux constellations…  Vous avez dit « sidéral » ?  Je qualifie plutôt ce zodiaque-là de « sidérant »…

Jacques Vanaise

 

Chercheur, conférencier, auteur de plusieurs ouvrages sur l’astrologie, dont « L'Homme-Univers » (Editions Le Cri, Bruxelles, 1993) et  « La Légende des Signes » (Le Cri, Bruxelles, 2005). Membre de la Fédération des Astrologues Francophones  http://www.fdaf.org

 

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