les "Astro Plumes"


Jacques VANAISE

(présentation)

 

L'Astrologie : pour faire sens

ou Le destin astrologique n'existe pas

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Les finalités d’une fédération des astrologues ne peuvent se limiter à la promotion de ses membres.  Ce que j’ai lu sur votre site Internet me fait  augurer d’une volonté de favoriser avant tout une revalorisation de l’astrologie.  Ce « relèvement » ne peut se faire, il me semble, que par une nouvelle exploration de ses fondements, L’astrologie est riche de son passé et de sa tradition.  Elle peut aussi et elle doit ou devrait contribuer à l’émergence des nouveaux paradigmes dont notre temps charnière a besoin.compte tenu de l’évolution de l’ensemble des techniques et des connaissances dont nous disposons aujourd’hui.  L’astrologie est riche de son passé et de sa tradition.  Elle peut aussi et elle doit ou devrait contribuer à l’émergence des nouveaux paradigmes dont notre temps charnière a besoin.

 

Je pense que, – parce que l’astrologie éclaire avant tout le fondement structurel qui nous anime de l’intérieur –elle réclame une analyse du sens même de notre cheminement personnel, entre l’universel et le singulier, entre le collectif et le particulier. 

Nous recevons une structure psychique en héritage.  Elle sous-tend notre histoire jusqu’à l’âge d’homme.  Puis, nous avons quelque chose à restituer, ou à offrir, dans l’aboutissement de notre propre mise en œuvre (et que j’associe volontiers à l’idée d’une Légende personnelle ; cf. le titre de mon récent libre : « La Légende des signes ».)

C’est sans doute en remontant à la source des mythes que nous pouvons retrouver ce qui a présidé à la désignation des symboles astrologiques.  Non sans considérer bien entendu que les dieux eux-mêmes sont une émanation des conceptions humaines.  C’est donc finalement en approfondissant le psychisme humain jusqu’à ses origines les plus archaïques que nous retrouvons la source mythique ayant donné une valeur aux astres.  Non dans une relation de causalité, mais dans un lien de concordance.  Cette concordance présuppose que le ciel mythique et que le fondement psychique de l’homme obéissent tous deux à une même loi, à une même structure, à un même fondement universel.

Le symbolisme (ce mode très subtil et très profond de la connaissance) est très précieux pour révéler le sens des correspondances universelles.  Dans toutes les cultures, les hommes n’ont pas manqué d’inventer des récits pour s’expliquer les origines.  Comme le font la plupart des mythes, le zodiaque entend lui aussi nous révéler à nous-mêmes.  Le paradoxe est sans doute qu’il le fait à partir de ce que nous croyons comprendre de l’organisation des choses, tant sur la terre que dans le ciel.

Un tel discours à propos de la réalité rassemble en fait trois dimensions essentielles :

  • la réalité elle-même, par le biais de l’observation ;

  • l’expérience sensible, à travers ce que l’homme vit et éprouve ;

  • et aussi (et peut-être surtout) la mise en parallèle de ce qui existe au-dehors (les faits observés) et de ce qui vient du dedans (l’imaginaire). 

D’où toute l’importance d’une jonction entre ce qui est vu, perçu et vécu, dans le monde, et ce qui est imaginé ou fantasmé, par la conscience.  C’est cette jonction qui engendre le symbole astrologique.

Tout cela revient à dire que le concept du zodiaque se situe ou se conçoit à la charnière de trois mondes :

  • le monde de la réalité concrète, que nous observons et que nous expliquons par la méthode scientifique ;

  • le monde de la pensée, telle qu’elle codifie et rationalise les phénomènes qu’elle considère ;

  • et le monde de la psyché (ou de l’imaginaire), tel qu’il projette sur la réalité les impressions suggestives qui remontent des profondeurs et qui, du même coup, se révèlent à la conscience.

Il en résulte un double bénéfice :

  • d’une part, le fait d’expérimenter les choses et de pouvoir ensuite les codifier, permet de comprendre rationnellement ce qui se passe.  Nous nous situons là dans le « comment » des choses. 

  • d’autre part, la liaison faite entre cette même réalité et les foisonnements de l’imaginaire, au moment où celui-ci se projette sur le monde et où il pense y reconnaître ce qui l’anime de l’intérieur, … cette liaison permet subjectivement de vivre la dimension symbolique des choses,  à savoir de saisir leur force d’évocation ou encore de déceler le « sens » que prend le monde par rapport à nous.

 

En résumé, si (au cours de l’histoire) le zodiaque découle d’une observation de plus en plus savante des configurations du ciel, il témoigne aussi et avant tout d’une projection de l’expérience intime des hommes, tels qu’ils observent et analysent la réalité qui les entoure, mais tels aussi qu’ils découvrent des associations, des ressemblances et des coïncidences entre cette réalité et ce qu’ils vivent tout au fond d’eux. 

A ce compte-là, le zodiaque résulte d’un paradoxe.  A la différence des productions habituelles de l’imaginaire, il se calque sur le modèle du ciel. Il ne semble donc pas inventé, mais constaté.  Et pourtant, tout son bestiaire et tout son symbolisme relèvent avant tout d’une projection subjective de ce que les hommes comprennent et éprouvent.

En définitive, si l’homme ne décide évidemment rien quant à l’agencement des étoiles, c’est tout de même lui qui choisit – arbitrairement,  pourrait-on penser – de désigner les constellations et d’y reconnaître (ou plutôt d’y projeter) des figures à la fois empruntées à la réalité (un taureau, un bélier, un poisson) et attestant d’une image, d’une sensation, d’une expérience plus intimes ou d’une évocation plus symbolique.

A quoi cela tient-il ?  Comment justifier une telle similitude, une telle parenté, un tel parallélisme, une telle ressemblance, une telle coïncidence… entre le ciel et nous ?  On ne le peut qu’en se reportant à l’adage des anciens : ce qui est en bas et comme ce qui est en haut.  Ou encore : ce qui est au-dehors nous renvoie à ce qui est au-dedans…

Tel est le saut qualitatif qu’il convient de donner à notre pensée pour rencontrer l’astrologie, véritable fossile vivant, tel qu’elle témoigne aujourd’hui encore de l’imaginaire projectif d’anciennes cultures et tel qu’elle désigne notre ciel imaginaire, à la manière d’un véritable échiquier de vie …

 

D’emblée, dès notre naissance, le jeu de la vie nous pousse à nous mettre en chemin.  L’astrologie nous en propose la partition : un échiquier de tendances, de besoins, d’aspirations qui nous destinent à devenir « qui » nous sommes. 

Pour l’astrologie Traditionnelle, invoquer la destinée revient à considérer que nous sommes soumis à des forces supérieures.  Tout au contraire, l’astrologie, revue en tant  que discipline universelle répondant avant tout à notre besoin de sens, ne nous parle de notre propre légende que pour nous en rendre complices, ce qui revient un peu à nous en libérer. 

Cette démarche implique que nous affrontions la dimension cachée de notre histoire et que nous l'acheminions vers notre conscience.  Au risque, sinon, de rester au fond de la caverne et de projeter notre ombre vers l'extérieur. 

Le propre de l'homme est ici de devenir conscient des conditions de son parcours.  Un chemin existe-t-il ?  Notre voyage nous établit pour commencer en périphérie, dans la réalité du monde.  Puis, vient la compréhension du « jeu » singulier dont le déroulement de notre vie témoigne. 

Chaque situation nous met en scène.  Ainsi notre univers intérieur vient-il se heurter à l’écorce des choses.  Nous manifestons jour après jour notre caractère, nos intentions, nos priorités.   Réciproquement, le monde nous interpelle.  Une faculté latente est alors sollicitée et mise en chantier.  Entre le potentiel et la situation qui la met en évidence, il y a un lien de connivence, de ressemblance. 

Il y a un miroir.  C’est là qu’intervient le symbole astrologique.  Il réunit, il met en parallèle, comme dans le mythe d’autrefois.  Il désigne et il fait comprendre.  Il donne sens. 

 

Dans le zodiaque, mais aussi dans les douze maisons astrologiques, je reconnais douze notes de comportements sur le clavier de la vie.  J’y associe bien entendu les douze séquences qui ponctuent les quatre saisons de l’année ;  mais aussi et surtout les douze étapes d’une genèse, celle de l’être conscient à la recherche de son propre dessein. 

Ces douze étapes sont les douze marches d’un parcours, d’une croissance, d’un accomplissement. 

Chaque étape est nécessaire, alors même que nous les avons chacun vécues et que nous continuons à les vivre à notre façon. 

En tout cela, le zodiaque facilite la projection de ce qu'il est utile que nous nous disions à nous-mêmes…  à propos de nous-mêmes.  En fait, il ne s'agit pas de retrouver dans le zodiaque les facettes définitives de notre personnalité, mais de proposer à notre imaginaire un parcours, à la rencontre de nos « protagonistes » intérieurs.  Une telle démarche exclut que nous soyons de simples spectateurs.  Elle exige notre participation.

Par ailleurs, il convient de relativiser et de délimiter notre petite part d’universalité revendiquée par l’astrologie.  A la naissance, nous avons inévitablement reçu un premier héritage : notre hérédité biologique.  A travers les gênes que nous ont transmis nos parents, c’est en quelque sorte toute l’histoire physique de l’humanité qui nous est « confiée ».  Je songe ici aux millions d’années qui ont été nécessaires pour modeler l’évolution et pour nous permettre, à notre tour, de faire partie de la grande famille humaine.  C’est tout cela qui nous a été transmis par l’hérédité, avec bien entendu des particularités physiques et biologiques léguées plus directement par nos parents.

Ensuite, et dès les premières années de notre vie, nous avons aussi été en contact avec un deuxième héritage : notre environnement culturel, social et économique.  Lui aussi a conditionné nos premiers pas et, à travers une multitude d’apprentissages, il nous a permis de gagner un temps extraordinaire.  En effet, c’est l’interaction entre nos propres capacités de parole, de compréhension et d’action, d’une part, et tout ce qui les a sollicitées, de l’autre, qui nous a permis de devenir celui que nous sommes.

Pour l’astrologie (et aussi pour la psychologie des profondeurs), nous disposons bien entendu  - aussi – et au moment précis de notre naissance – d’un troisième héritage : le patrimoine psychique de toute l’humanité.  Ce sont ici les caractères humains et les images (ou les archétypes) présents dans l’inconscient collectif qui nous ont été transmis. 

Je vois dès lors chaque naissance comme une sorte de déclic grâce auquel se concentre et se transmet tout le psychisme collectif humain.  On y retrouve les innombrables sédiments dont l’humanité est faite.  Ces « dépôts » sont collectifs, mais ils sont en quelque sorte réagencés, au moment précis de notre naissance, en une équation personnelle et unique. 

En fait, on peut dire exactement la même chose à propos de la structure de l’ADN, au moment de la fécondation.  On peut aussi évoquer le même processus en songeant au spectre des couleurs ou à la gamme des notes de musique : chaque fois c’est leur nouvel agencement qui permet une peinture originale ou une composition inédite. 

C’est donc dans la rencontre entre notre dimension psychique, notre hérédité biologique et notre héritage culturel, social et économique que se sont précisés les différents conditionnements à partir desquels nous ne cessons plus d’ajouter du « temps singulier et personnel » au « temps pluriel et collectif ».

 

Tout cela ouvre une réflexion philosophique : le développement de plus en plus complexe de la vie, depuis que l’univers existe, n’a cessé d’engendrer des capacités de réponse, d’adaptation et de manifestation toujours plus riches et plus complexes…  Le résultat est aujourd’hui l’intelligence humaine, douée de conscience.

Comment alors ne pas nous sentir l’héritier de tout le passé de l’univers ?  Comment ne pas nous considérer, modestement, comme « poussières d’étoiles »…?   Comment ne pas inscrire notre expérience personnelle dans cette aventure qui nous dépasse … ? 

A ce propos,  l’astrologie considère que, par l’intermédiaire du niveau quantique, notre psychisme se trouve à notre naissance en relation immédiate avec d’autres niveaux, systèmes ou échelles, tant dans l’infiniment grand que dans l’infiniment petit. 

Dès lors, et alors même qu’on attribue d’habitude la plupart des phénomènes héréditaires à l'héritage génétique inscrit dans l'ADN, l’astrologie forme l'hypothèse d’une autre transmission psychique.  Celle-ci découlerait d’une sorte de résonance avec tout ce qui nous entoure au moment de notre naissance, de proche en proche et en y incluant le champ quantique de tout l’univers et dont le zodiaque serait tout au plus le modèle.

Cette conception particulière de l’astrologie réfute tout aussi bien l’animisme primaire qui supposerait par exemple que l’astre nous imposerait ses directives ; et le rationalisme forcené qui ne voit comme explication à notre relation au ciel qu’un rapport de cause à effet.  Avec tout le respect que nous devons à la tradition astrologique et aux anciens, il nous faut reconnaître que nous disposons à présent de nouvelles voies d’investigation, tant dans le domaine psychologique que dans le domaine physique.

L’univers nous apparaît de plus en plus comme un gigantesque champ morphogénétique (Sheldrake), source d’informations et d’énergies qui, ensemble, sont le germe de structures et donc de formes.

L’essentiel est à présent de démontrer en quoi le psychisme humain dispose d’une réelle structure et en quoi celle-ci est imbriquée dans le flux universel.  Jung, déjà, estimait que des engrammes (ou structures archétypiques) étaient inscrits dans le génome humain au même titre que les instincts.  Comme tels, ils forment les schèmes de notre espèce et ils induisent dans notre psychisme des images symboliques susceptibles de nous « informer ».  La difficulté est sans doute de déceler le support de ces énergies – images – informations…  Nous serions tentés, fidèles aux passerelles que l’astrologie fait entre notre psychisme et l’organisation du ciel, de pressentir ce support dans les ondes ou dans les forces gravitationnelles elles-mêmes. 

En définitive, plus et mieux nous cernerons la clé de nos procédures psychiques et archétypiques profondes, et plus, et mieux nous délimiterons l’apport de l’astrologie à seule fin de la délivrer des dérives qui la maintiennent dans les griffes des croyances et des superstitions.

 

L’instant unique de notre naissance est donc une émergence.  Certes, et comme je l’ai rappelé un peu plus haut, parce que nous sommes un corps vivant inscrit dans un monde physique, notre hérédité biologique et notre héritage culturel délimitent les premiers jalons de notre histoire.  Mais, de l’intérieur, un véritable potentiel psychique nous met en projet : celui de notre propre accomplissement, en tant que personne unique.

Dès lors, nous ne cessons, dès notre naissance et sur base de ce qui est inné en nous (à savoir de nos prédispositions) d’interpréter de façon singulière, unique, originale, la grande symphonie humaine, en utilisant les mêmes notes, mais en une composition radicalement nouvelle.  Au début, la musique s’élabore en nous, inconsciemment, à notre insu.  Puis, insensiblement, nous en prenons conscience et nous en devenons le chef d’orchestre (ou le maître d’œuvre) …

Il en résulte que notre liberté ne suppose pas, au départ, que nous puissions faire n’importe quoi.  Elle suppose que nous aillions à la rencontre de nous-mêmes pour ensuite, et ensuite seulement, pouvoir choisir et décider.  Au départ, les conditions et les conditionnements sont inévitables.  A chaque pas de notre vie, notre liberté ne consiste pas à les nier, mais à décider du sens que cela peut avoir pour nous, notamment en découvrant notre propre Echiquier de vie.

 

Notre vraie présence à nous-mêmes réclame finalement l’écoute de tout ce qui se passe en nous.   C’est un peu comme s’il nous fallait, dans un premier temps, cheminer sur notre propre route, sans vraiment en connaître le but ou le dessein. Ensuite, il nous revient de comprendre les mécanismes qui ont programmé nos habitudes.  Non sans faire la part des choses, c’est-à-dire non sans rejeter tout ce qui ne venait pas véritablement de nous, mais résultait des influences, des circonstances et aussi de nos peurs et de nos identifications, en périphérie.  Il nous revient ensuite de polir notre miroir, pour nous acheminer jusqu’à l’indécise frontière où se précise notre propre sens et notre propre vocation

Cette voie n’est pas une fin en soi.  Elle n’est qu’un moyen pour apprendre notre métier d’homme.  C’est comme s’il s’agissait de saisir l’essence de notre présence au monde et de notre mise en chantier. 

A un moment ou à un autre, d’une façon ou d’une autre, le cycle de la vie nous fait heureusement abandonner notre construction provisoire qui, bien que nécessaire, n’était pas toujours adéquate.  Une telle mutation est parfois longue et difficile. 

Ces instants, nous ne pouvons ni les acheter, ni les négocier.  Nous pouvons les préparer pour qu’ils surgissent.  C’est parfois le moment d’être tout simplement plus présents, l’espace d’une seconde.  Un nouveau voyage commence là, dans l’intensité et l’instantané d’un nouvel horizon. 

Comme l’écrivait le poète Rainer Maria Rilke : « nous naissons, pour ainsi dire, provisoirement, quelque part ; c’est peu à peu que nous composons en nous le vrai lieu de notre origine, pour y naître après coup et chaque jour, plus définitivement ».

 

Finalement, le mythe universel inscrit dans le zodiaque, tel qu’il a été à la fois observé et projeté dans le ciel, nous propose de savoir où nous allons…, de découvrir notre propre échiquier, de connaître notre carte routière ! 

 

Cependant, autant le savoir et autant le dire, encore et encore : le destin astrologique n'existe pas.  Il ne remplace pas le déterminisme des causes naturelles (notre hérédité) ni le rôle des conditions sociales (notre milieu d'origine).  L'astrologie indique plutôt comment ces influences s'organisent autour d'un dessein, d'une intention.  Ce dessein individuel, au moment où nous le découvrons et où nous l'assumons, nous donne accès à la structure sous-jacente et (pour une bonne part) inconsciente qui nous anime de l'intérieur.  Non pour nous indiquer le chemin qui s'impose à nous, mais pour nous encourager dans notre projet, unique entre tous.

 

Le symbole astrologique nous permet-il, en fin de compte, de relier notre personnalité à notre propre histoire ?  La réponse est nuancée.  La découverte de nos motivations personnelles révèle moins quelle personnalité précise nous sommes que la manière et les raisons profondes de ce que nous faisons. 

Chaque étape de notre parcours, je le répète, reste tributaire d'autres facteurs : niveau culturel, conditions d'origine, conjoncture économique.  L'astrologie ne prétend donc pas fixer chaque personne dans une histoire.  Chaque symbole tient un langage précis, mais s'adapte aussi à une variété de mises en application.  André Barbault a écrit quelques pages essentielles à ce sujet, il y a plus de quarante ans déjà.

 

Il n'empêche, l'astrologie propose un clavier unique qui permet de relier et d'assortir nos tendances de base, les fonctions qui leur correspondent, les moyens et les actions qui leur ressemblent, les objets et les lieux qui leur conviennent.  Aucune typologie ne va aussi loin.  Aucune grille psychologique ne nous aide mieux à définir, finalement, comment nous allons choisir de « porter des fruits », autrement dit de faire aboutir le projet de notre vie.

 

L’astrologie, telle que je la comprends, se préoccupe donc moins du destin des hommes que de l’argument de leur vocation individuelle.

Or, à l’inverse du destin et de la fatalité, la vocation n’est ni automatique, ni inéluctable.  Elle appelle la participation consciente et libérée du sujet.  La vocation demande à cet égard un préalable : la reconnaissance de nos potentialités et de nos modes de fonctionnement ; ce à quoi l’astrologie contribue, précisément. 

Vivre, c’est (en dernière analyse) entrer librement et consciemment dans le jeu de notre vie, sur l’échiquier de notre ciel de naissance.  Le premier stade de notre présence à nous-mêmes réclame l’écoute de tout ce qui se passe en nous.  Des réactions souvent inconscientes et inscrites dans un véritable scénario nous investissent chaque fois que quelque chose nous interpelle.  Durant l’enfance, parfois plus longtemps, nous nous trouvons dans l’incapacité de prendre du recul et d’examiner nos vraies motivations.  Cela ne constitue pas, à proprement parler, une défaillance, mais le sceau de notre cheminement, à la rencontre de nous-mêmes. 

Jour après jour, année après année, dans le prolongement de nos premiers pas, nous écrivons le livre de notre vie.  Puis, un jour, nous le lisons, afin de décrypter le sens de ce qui nous arrive.  Nous aspirons là saisir la logique des enchaînements, non pour nous l’imposer encore davantage, mais pour nous permettre d’aborder, avec pertinence et lucidité, les situations qui nous ressemblent

 Il nous revient alors de surprendre, sur le vif, le mécanisme programmé de nos habitudes.  Puis, d’apprendre à désapprendre.  De rejeter les identifications erronées, en périphérie.  De polir le miroir, comme déjà dit plus haut.  De nous acheminer jusqu’à l’indécise frontière où se précise notre sens et notre vocation

Etre libre, c’est alors être Soi en acte.  C’est obéir en quelque sorte à la Loi interne qui gouverne notre fonctionnement spécifique et unique, dans le rapport à nous-mêmes et aux autres.  Rudhyar a écrit des choses capitales à ce sujet.

 

Derrière les aspérités apparentes de notre voyage, se profile ainsi une courbe plus continue.  Derrière les apparences se précise le dessein de notre vie.  Les situations deviennent ainsi des indices qui nous donnent l’occasion de bifurquer, non pour nous éloigner de nous-mêmes ; mais, au contraire, pour revenir dans l’axe de notre vrai devenir.  Cette voie n’est pas une fin en soi, elle n’est qu’un moyen pour apprendre notre métier d’homme.  C’est comme s’il s’agissait de saisir l’essence de notre présence au monde et de notre mise en chantier.  Ainsi s’exprime l’ultime utilité de l’astrologie.

 

De ces quelques considérations, il découle une « philosophie » prescrivant les grandes lignes de l’usage de l’astrologie.

Avant tout, il faut prendre de la distance avec soi-même. 

Avant tout, il faut garder le sens de la nuance et de la relativité.

Il y a ici, plus que partout ailleurs, danger à se prendre au sérieux.  Si on tombe dans ce travers, il y a le péril de projeter ses propres angoisses sur l’autre (le consultant).  Si l’astrologue veut aider l’autre à se délivrer, il doit aussi lui refuser tout regard paternaliste, supposé rassurant.  L’astrologue n’est proche de son client qu’en se mettant à distance…

Ce dont il s’agit, dans la consultation, c’est d’être à la fois avec l’autre, dans l’extrême proximité, pour le comprendre ; et dans la distance, pour l’aider.  Ce qui, sans doute, a à voir avec ce que le maître Zen nomme l’attention.

Dans le rapport à l’autre, en astrologie, cet accord entre la présence et la neutralité favorise le partage, sans le piège de la dépendance. 

Face au consultant, l’astrologue doit accéder à la proximité confiante qui permet au consultant de se dévoiler sans peur, dès lors qu’il n’y a là ni curiosité malsaine, ni exercice d’un pouvoir secret.

A tout cela contribue la présence de l’objet neutre que constitue le thème astral.  En effet, celui-ci facilite pour les deux parties la distance objective.  Grâce au thème, l’astrologue est en mesure de montrer à son consultant en quoi sa carte du ciel (son échiquier de vie) est structurée à la manière d’un inconscient. 

De son côté, ainsi guidé, le consultant se dit à lui-même des choses significatives sur ce qu’il est, sur ce qu’il veut, sur ce qu’il fait.  A cet égard, l’astrologue est tout au plus un accompagnateur (un initiateur ? – mais combien d’astrologues le sont-ils vraiment ?), puisqu’il ne fait que prêter sa voix pour nommer les symboles et pour leur donner vie, de sorte que son consultant puisse se les approprier.  Une telle expérience ne peut laisser indifférent et c’est ce qui la rend tellement passionnante. 

 

Tout ceci doit ou devrait nous situer bien en retrait d’une astrologie qui se veut obligatoirement anticipative et qui ne détiendrait ses lettres de noblesse que de ses techniques prédictives.  Certes, pour beaucoup, l’astrologie est avant tout et encore l’art de prédire les événements futurs par les positions et les influences des corps célestes.  On la voit ainsi quasiment limitée à son aspect prévisionnel. 

Bien entendu, il existe au cœur même de notre développement individuel et, comme tel, inscrit dans notre thème de naissance, un facteur d’actualisation de notre potentiel, voire d’accomplissement de ce que j’ai considéré plus haut comme notre dessein ou notre mission de vie.  Ce facteur d’actualisation a pour corollaire un autre agent de transformation, visant à nous faire revenir, si besoin, dans l’axe de notre vrai devenir.  C'est d’ailleurs lui qui, déjà, opère durant l'adolescence, lorsqu'il s'agit de remettre en question nos identifications superficielles pour redéfinir notre identité. 

Or, précisément, ce double facteur d’accomplissement et (au besoin) de renouveau ne peut que concerner la libération du passé.  On en retrouve d’ailleurs l'image spontanée dans l'inconscient, dans les mythes, dans les rêves et même dans les fantasmes des individus.  C'est une sorte d'aspiration spirituelle à nous délivrer de la sujétion à l'hérédité et au destin. 

En tout cela, l’astrologie a (ou devrait avoir) pour mission de nous accompagner dans notre aspiration à mieux nous connaître.  Ce faisant, nous ne devenons pas subitement libres ; nous nous donnons les meilleures conditions pour le devenir.  Nous nous accouchons de nous-mêmes, une nouvelle fois.  Nous commençons à façonner notre pierre brute.  Nous nous donnons un idéal.  Nous nous procurons une éthique de vie.  Nous nous fixons un objectif.

Ce dernier devient alors pour nous un attracteur, c'est-à-dire qu'il rétroagit depuis le futur et de proche en proche, sur chaque carrefour.  Il infléchit ainsi le sens que nous donnons à notre passé.  Or, quand nous nous fixons un tel objectif et quand nous le maintenons sous notre propre contrôle, nous faisons mentir toutes les prédictions.  Car prédire consiste à extrapoler, à déduire, à projeter dans le temps ce que nous sommes aujourd'hui.  Comme si, parmi tous nos possibles,  nous n'en choisissions qu'un seul : celui qui nous paraît le plus compatible avec notre scénario en cours.  Rien n'est plus contraire à l'axe de liberté. 

L'astrologie bien comprise ne nous annonce donc pas un temps futur inéluctable.  Cela reviendrait à fermer ce qui doit demeurer ouvert.  Elle nous parle de nos causes antécédentes.  Elle ne le fait que pour nous offrir, en quelque sorte, une nouvelle adolescence qui revient à concevoir l’innovation dans la vivacité d'aujourd'hui.

Il en résulte une toute autre approche des bénéfices que nous pouvons retirer de l’analyse de notre thème astrologique.  J’aimerais en citer quelques-uns :

  • Nous offrir le moyen de mieux nous connaître et de détecter le fonctionnement de notre personnalité ;

  • Grâce aux symboles planétaires, rencontrer nos différents traits de caractère ;

  • Amener à notre conscience des aspects de nous-mêmes jusque-là méconnus ;

  • Reconnaître nos potentiels de naissance dont l’épanouissement nous est nécessaire ;

  • Dépister les décisions inconscientes que nous avons prises dans l'enfance ;

  • Décrire les automatismes de comportement qui s'imposent à nous ;

  • Explorer au besoin le conflit profond qui sous-tend nos difficultés de vie ;

  • Remonter à l'origine des causes inscrites dans notre développement et dans notre histoire familiale ;

  • Repérer les pièges psychologiques auxquels nous sommes prédisposés ;

  • Saisir la leçon des événements qui se répètent dans notre vie ;

  • Vivre les situations de notre vie, non comme des conditionnements extérieurs dus à l'adversité ou à la chance, mais comme porteurs d'un sens qu'il nous revient de découvrir ;

  • Préciser et dynamiser nos objectifs ;

  • Nous orienter psychologiquement et / ou professionnellement en tenant compte de nos potentialités et de nos priorités de vie ;

  • Dévoiler notre vraie question, masquée par les faits apparents ;

  • Observer si nos comportements sont adaptés à notre but ;

  • A travers la sagesse millénaire de l'astrologie, écouter notre voix intérieure pour saisir la portée de nos objectifs et pour les accorder à nos aspirations les plus profondes ;

  • Envisager les grandes étapes de notre existence comme des phases de transformation qu'il nous revient d'intégrer au sein de notre propre code de valeurs ;

  • Pressentir, définir et accomplir ce qui se dessine à travers notre vision personnelle du monde, dans l’idée d’accomplir notre dessein (ou mission de vie).

 

C’est véritablement dans cette actualisation que réside notre part de liberté et de créativité. 

Nous ne sommes pas nés comme des êtres aboutis !  Nous ne sommes pas venus au monde comme des êtres parfaits !  Et c’est heureux !  La mémoire collective nous a transmis une part de l’être, mais notre incarnation dans un espace (une culture, une société, une famille) et dans un temps (une époque, un siècle, une heure de naissance) nous conduit à y ajouter le supplément de notre différence. 

On peut considérer ensuite que notre apport particulier (et unique) vient enrichir la palette multicolore de l’humanité en ce qu’elle est elle-même la manifestation démultipliée et innombrable de l’être – univers. 

Notre être singulier est donc à la fois une partie de l’univers et la cristallisation de notre identité vécue.   Si nous n’étions qu’un fragment de l’être – univers en soi, nous serions en quelque sorte parfaits.  Mais notre dessein n’est pas d’être parfait : il est de nous perfectionner. 

L’être parfait est déjà l’aboutissement de tout ce qu’il peut être.  A l’inverse, c'est dans notre imperfection, ou plutôt dans nos manques et dans nos incertitudes, que réside le potentiel de ce qu’il nous est proposé de réaliser en plus. 

L’être parfait n’a aucune raison d’évoluer, alors que nous avons toutes les raisons de nous accomplir…

Cette réflexion philosophique n’est pas très nouvelle.  Déjà au 15ème siècle, le célèbre humaniste italien Pic de La Mirandole, dans son tout aussi célèbre discours « De la dignité de l'homme », met dans la bouche du Créateur ces paroles par lesquelles Celui-ci confère au premier homme le privilège de la liberté :  « ô Adam, Je t’ai placé au milieu du monde afin que tu puisses plus facilement promener tes regards autour de toi et mieux voir ce dont le monde renferme.  En te faisant ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, j’ai voulu te donner le pouvoir de te former toi-même.  Tu peux descendre jusqu’au niveau de la bête et tu peux t’élever jusqu’à devenir un être divin. En venant au monde, les animaux ont reçu tout ce qu’il leur faut.  De même, les esprits d’un ordre supérieur sont dès le principe ce qu’ils doivent être et peuvent ainsi demeurer dans l’éternité. Toi seul tu peux grandir et te développer comme tu le veux.  Tu as en toi les germes de la vie sous toutes ses formes ».

 

De tout cela, je retiens l’idée de ces occasions qui nous sont données pour mettre en chantier les différentes facettes de notre personnage, mais aussi les trésors de nos potentialités, à mesure que des situations ou des événements nous interpellent et nous incitent à y répondre selon notre structure interne en constante évolution et réadaptation. 

Selon l’astrologie (et en accord avec la psychologie des profondeurs) un champ potentiel (ou un projet de vie) anime notre théâtre intime.  De temps à autre, une passerelle s’établit entre le « metteur en scène » (le Soi ?) et le personnage principal de notre propre histoire (celui que nous sommes, à un moment donné).  Cette passerelle se produit à la manière d’un dialogue à deux voix : il y a ce qui est encore en puissance, tout au fond de nous, et il y a une circonstance, un fait, un incident extérieurs.  Le symbole les relie, voire dynamise ce que ces deux pôles ont d’analogue et aussi ce qu’ils « ont à nous dire » à propos de notre vrai dessein (à propos de ce qui nous ressemble vraiment.  Nous pouvons choisir de ne pas entendre cette opportunité – et l’aspiration ou le potentiel qu’elle éveille.  Nous pouvons effectivement continuer à jouer des rôles qui ne font pas partie de notre projet intime, mais plutôt de notre histoire, en ce que nous avons reçu comme influence et en ce qui nous semble plus « à la mode »…  Nous pouvons au contraire percevoir le sens que révèle le symbole astrologique, à mi-chemin entre la réalité objective d’un fait et notre propre subjectivité. 

Ce qui revient à percevoir le « pourquoi » d’une situation, d’en déceler la ressemblance – soit  avec notre histoire, – soit avec notre vrai projet.  Finalement, ce qui se passe dans notre vie vise à nous instruire sur « qui nous sommes » profondément, dans l’unicité du potentiel psychique que nous avons reçu en partage à notre naissance.  Le sens subtil de ce qui se passe là se tisse dans la façon dont nous décidons de poursuivre notre vie après tel ou tel événement.  Il y a là un espace de jeu et de créativité, sur l’échiquier de notre vie, et qui nous permet de réinventer notre propre monde au lieu de le subir. 

En filigrane, tout cela revient à dire que nous n’avons peut-être pas eu d’emblée l’occasion de tracer notre propre chemin de vie.  Cela est dû au fait que nous ne pouvions savoir dès l’enfance ce qui nous convenait : nous devions d’abord faire notre apprentissage.  Nous ne pouvions au départ situer la portée et le sens de chacune de nos réactions.  Nous ne faisions le plus souvent que pressentir confusément nos préférences, nos goûts, notre différence.  Tout cela agissait en nous et malgré nous. 

Nous nous sommes donc investis dans ce qui était là, dans ce qui venait vers nous, dans des modèles et des repères plus ou moins façonnés par la société et les circonstances.  Pourquoi ?  Parce qu’ils étaient tout de même en résonance avec nous et parce que nous croyions les reconnaître, ou bien encore parce qu’ils s’imposaient à nous. 

Nous n’avons cessé, bien entendu, de conserver le pouvoir de dissoudre ces adhérences.  Mais le savions-nous ?  Savions-nous que nous détenions un tel pouvoir ?  Notre privilège n’en est pas moins de passer, à chaque instant, du passé vers l’avenir, et aussi de notre devenu à notre devenir.  Les innombrables interpellations multiformes du monde sont effectivement autant d’occasions (pour nous) de percevoir dans nos aspirations nouvelles notre propre projet.  Celui-ci est inscrit dans la singularité de notre thème de naissance, dans l’intuition du tout que nous voulons être.  Cette intuition est tout au plus une ébauche.  Comme l’artiste, nous ne savons pas nécessairement ce que nous allons créer.  Mais nous le créons, parce que le jeu de la réalité, jour après jour, nous le révèle à travers nos expériences intimes et parce que le sens que nous donnons à tout ce qui vient vers nous, nous interpelle et nous éveille à notre propre réalité.

Jacques Vanaise

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