La « Lettre des astrologues » de
septembre dernier pose enfin ce problème fondamental de
l'astrologie. Notre discipline relève-t-elle des sciences classiques
de la matière ou de celles de l'âme? La réponse pour moi est claire:
l'astrologie ne peut être reliée qu'à l'âme, au principe de
l'Éternel utilisant le Mortel, ou de l'Esprit âme de la matière.
Mais qu'est-ce que l'âme... après deux siècles de prédominance d'une
science matérialiste et de religions qui, depuis presque deux
millénaires, ne s'adressent qu'à l'intellect, à la volonté et à
l'émotion, non à une connaissance ou à une reconnaissance de soi
(dans le sens de reconnaître le terrain). L'Homme est double, fait
d'une âme et d'un corps, mais c'est l'âme (l'éternel) la psyché qui
conduit le corps (le mortel). L'âme est religieuse a dit C.G.Jung,
mais il ne s'agit nullement du religieux enseigné par les religions
actuelles, plutôt, au contraire, d'une dimension humaine en
communion avec les lois de la nature, par exemple. Les grandes
activités bouleversant les existences pour l'individu comme pour les
nations ne proviennent-elles pas d'affects crevant la frontière
entre l'inconscient et le conscient?
Prédire ne serait alors pas tant
parler de l'événement matériel (mortel) à venir que du rôle qu'il
s'apprête à jouer dans la croissance de l'âme-conscience (l'éternel)
du natif. L'événement n'étant que la manifestation au niveau du
visible du déclenchement d'une énergie que l'on relie, en
interprétation d'un thème, au symbole d'un astre. J'imagine
volontiers que l'énergie-vie qui anime le monde demeure toute
entière in fine au service de la création d'organismes susceptibles
d'être porteurs d'une plus grande dimension de conscience, et au
service du développement de celle-ci. Il s'agit de faire sortir
l'Esprit de la Matière, comme le comprenaient les alchimistes, en
comprenant toujours mieux les lois, processus et finalité de la vie;
il ne s'agit donc pas de comprendre n'importe comment.
La fonction ultime de tout être
humain -et
justifiant son ciel de naissance -consisterait à œuvrer à cette
universelle tâche de transformation (se transformer en
transformant), chacun à partir de ce qu'il est, chacun au moyen de
sa différence en développant son individuation (la grande énergie
manifestée par le symbole d'Uranus). Toute l'existence d'un individu
est sans doute conditionnée par cette double tâche, et, s'il en est
bien ainsi, conduirait l'astrologie à reconsidérer sous cet angle la
trame événementielle de ses consultants. Mais ne faudrait-il pas
aussi reprendre l'étude d'une philosophie de l'existence ainsi que
celle du sens de l'évolution de la vie sur notre planète depuis son
origine au travers des règnes qui se sont succédé, puis celle aussi
des transformations et des réalisations de l'être humain depuis son
origine? Nous y trouverions vraisemblablement une constante que nous
pourrions extrapoler à la gestion de nos existences et qui nous
aiderait grandement dans une meilleure compréhension de
l'astrologie. Ne serait-ce pas aussi le moyen de remettre un peu de
levain dans notre civilisation aplatie (fonction sociale de
l'astrologie) ?
Si l’âme n’était que liée au
cerveau, c’est-à-dire enracinée exclusivement dans le
mortel-passager, sans lien avec la part d'universel-éternel, comment
expliquer alors la compétence démontrable de l'astrologie dans la
description de la personnalité, et cela dès la naissance à partir de
son thème astral natal? Comment expliquer les grands rêves? De même
que la réalité des transits astrologiques sur le ciel de naissance?
Les configurations dites héréditaires entre natifs d'une même
famille? Les couples solides par la rencontre de la Lune de l'un
avec le Soleil de l'autre? Ou encore l'attirance sexuelle si
puissante dans la rencontre de Mars ou d'Uranus avec la Vénus de
l'autre? Etc. Tout être humain apparaît bien comme étant rattaché à
l'élan vital universel, au soubassement que C.G.Jung a décrit comme
étant un Inconscient toujours en éveil et synchronisé au reste de
l'Univers, dont il fait d'ailleurs partie (l'unité de l'Univers). La
grande question demeure de savoir ce que veut la vie, mais nous
pouvons, je crois, dans un premier temps, deviner la direction de ce
vouloir en observant sa manifestation dans la nature, dans celle du
moins qui n'est pas encore radicalement transformée par
l’homme-chimiste. Pour moi, avoir l'esprit religieux, l'esprit
préoccupé de l'âme, c'est cela, c'est être à l'écoute de la vie,
l'aimer, l'admirer, y trouver la nourriture du corps et de l'esprit,
et œuvrer avec elle.
L'autre question, plus ardue, serait
de parvenir à comprendre comment chaque être humain est construit de
la même façon que toutes les formes existant dans l'Univers, et
comment les divers "points" de sa psyché - reliée à son inconscient
- demeurent sensibles aux énergies
réalisatrices de l'élan vital selon le nombre, la disposition et
l'état de développement de ses récepteurs. Tout être humain serait
donc un véritable système solaire donnant vie dans son
environnement, tout comme le système solaire planétaire a donné vie
à notre planète, l'entretient et la développe. Il serait nécessaire
de parvenir à comprendre sous quelle impulsion de l'âme du monde le
système solaire s'est construit. Ainsi, par exemple, quand la
relation entre Saturne et Jupiter dans le ciel se modifie, la
relation entre Saturne et Jupiter qui sont en moi se modifie de la
même façon, en même temps, et "dérange" la disposition de ma psyché
personnelle: ma façon d'agir s'en trouvera modifiée. Bien sûr, ce
n'est pas Saturne du ciel qui est en moi mais un "nœud énergétique"
de même sensibilité et de même. signification pour Î'élan vital
animé par l'âme du monde. C'est pourquoi sans doute nous pouvons
utiliser le même symbole pour les deux Saturne. Nous posséderions
alors l'explication du fonctionnement de l'astrologie et du sens
existenciel dont elle est porteuse. Ce qui demeure certain, et
justifie nos recherches, c'est qu'un jour, bien lointain, des Hommes
ont compris que tout être humain, notamment, était relié au système
solaire et ont commencé à élaborer la méthode astrologique.
Parler d'astrologie causale,
scientifique, symboliste ou autre n'a donc guère de sens à mon avis.
L'astrologie est scientifique, mais sa science n'a rien à voir avec
celle de la matérialité qui est trop courte pour elle. La science de
l'astrologie est ébauchée mais non encore construite... ou
reconstruite ; nous manquons de savants dans ce domaine. Le jeu de
balancier qui rééquilibre toujours le monde jouera peut-être en sa
faveur durant ce nouveau siècle : après l'essor matériel viendra
sans doute l'essor spirituel?
Mes lectures habituelles dans cette
recherche : Mircea Eliade, Henri Bergson, C.G.Jung, Teilhard de
Chardin, le Grand Livre de la Nature, l'Évangile de Jean... On peut
fouiller aussi avec profit dans les écrits d'avant le cinquième
siècle de notre ère
Ferdinand DAVID