Notre objectif n’est pas de refaire l’histoire de la philosophie,
mais de structurer les différents courants philosophiques autour de
la roue du Tao afin de pouvoir approfondir par la suite notre
connaissance de l’astrologie sous l’angle philosophique. Ce modèle
cosmogonique est emprunté à la fois aux Traditions Orientale et
Occidentale. Pour les Orientaux, l’être humain est un intermédiaire
entre le Yin et le Yang, le bas et le haut, la Terre et le Ciel et
la circulation des énergies constitue dans son ensemble, la
manifestation du Tao. Dans la Tradition Chrétienne, il est question
de la chute d’Adam, chassé du paradis originel d’où il retournera
après son séjour dans l’enfer terrestre.
Ce système permet de
classifier environ une dizaine de grands courants philosophiques,
qui prennent leur source, soit au niveau Céleste auquel cas, ils
sont mêlés à la spiritualité ou à la religion, soit au niveau
Terrestre, où, bien souvent ils s’opposent aux croyances religieuses
et à la dimension spirituelle. Les phases (involutives ou
évolutives), permettent de comprendre la motivation qui se cache
derrière toutes ces théories.
Pour bien comprendre
le fonctionnement de ce système cosmogonique, il est important de
préciser que l’âme individuelle, arrivée dans la deuxième partie de
sa trajectoire involutive oublie son appartenance divine, sa qualité
d’être unique. Par conséquent le matérialisme involutif draine avec
lui des courants philosophiques qui ont tendance à gommer les
différences individuelles. C’est particulièrement vrai en ce qui
concerne le marxisme qui privilégie l’organisation sociale au
détriment des individus. C’est vrai également pour la pensée
scientifique qui procède à des généralisations outrancières où les
individus sont réduits à des données mesurables. Et ne pourrait-on
pas en dire autant de la psychanalyse freudienne qui réduit les
individus à leur simple libido ; où la spiritualité est
interprétée comme une douce régression infantile ; où l’individu
n’est pas responsable des ses actes puisque tout provient de
l’inconscient ?
Ainsi l’origine
Céleste présente l’être unique dans son essence qui disparaît
progressivement pendant la chute au profit d’un corps sans âme, qui
est perçu par les uns comme un corps social (marxisme) ou par les
autres comme un corps objet (science médicale).
L’origine Terrestre
quant à elle, fait percevoir l’être unique dans son existence, en
particuliers à travers le courant de pensée existentialiste qui est
une philosophie de l’engagement puis ensuite à travers le courant
humaniste. L’être est devenu un corps individuel visible, l’individu
va donc être jugé à travers ses actes et les choix qu’il pose
concrètement dans sa vie. Avec Freud, l’être humain était régit par
son inconscient, ce qui laisse très peu de place au libre arbitre et
à la prise de responsabilité, alors que pour Sartre, l’inconscient
n’existe pas, et les erreurs d’un individu sont imputables à sa
mauvaise foi.
Puis
progressivement, au fur et à mesure de son ascension, le corps va
disparaître au profit de l’esprit. Le corps devient le véhicule de
l’âme et toute l’attention est portée sur la croissance de la
conscience, de plus en plus large et de plus en plus universelle.
Ainsi dans
l’involution, on passe d’une âme individuelle qui se perd au profit
d’un corps universel, et dans l’ascension, on passe d’un corps
individuel qui s’oublie ou qui devient un corps de lumière dans un
esprit universel.
Résumons très
brièvement chacune des phases en partant de l’origine Céleste :
1 - Phase
spirituelle involutive
Nous trouvons
naturellement Platon et Plotin très proches du point Source dans
cette phase et un peu plus loin, des penseurs tels que Leibniz ou
Malebranche. Enfin, Descartes qui a toujours fait preuve d'une
grande ouverture d'esprit, n’ayant jamais nié l'invisible étant
lui-même spiritualiste, se situe à la charnière entre la phase
spirituelle et la phase matérialiste. Il considérait que tôt ou tard
les choses inexpliquées seront codifiées, mises en équation comme il
en a été dans de nombreux domaines qui appartenaient auparavant au
domaine de l'ésotérisme.
2 – Phase
matérialiste involutive.
On y trouve bien
sûr, le courant de pensée matérialiste avec Marx, Engels et Freud
suivi du courant de pensée scientifique résolument matérialiste,
coupé de son origine spirituelle, avec en particuliers Auguste
Comte qui secréta le positivisme et les prétendus cartésiens
rationalistes qui ne sont que l’ombre de leur maître.
3 – Phase
matérialiste évolutive
A partir de là, un
changement de polarité a lieu, prenant pour base, non plus le
Ciel/Révélation mais la Terre/Raison faisant de l’individu le point
de référence. Le courant existentialiste avec Sartre et
Merleau-Ponty se situe précisément sur ce point charnière entre deux
cycles, ainsi que le courant de la phénoménologie sociale (M.Weber,
A.Husserl) ; puis vient le courant de la pensée humaniste
élargissant l’idée de l’évolution au niveau de l’humanité avec
Voltaire, Diderot, d’Alembert mais aussi Montaigne et Kant.
4 – Phase
spirituelle évolutive
Cette phase marque à
nouveau un rapprochement avec le Ciel, de sorte qu’on est plus près
de
la Révélation que de
la Raison. En évoquant Nietzche et sa vision du surhomme, et Jung et
la notion du Soi, on s’ouvre vers une conception beaucoup plus
intuitive, voire prophétique de l’homme qui trouvera un
développement dans les écrits philosophiques de R. Steiner par
exemple et son apogée à travers l’expérience spirituelle de Sri
Aurobindo et Mère, cette dernière ayant participé à l’éducation de
Krishnamurti.
5 – Phase ultime ou
initiale
Les quatre phases
périphériques aboutissent à la phase finale, qui est aussi le début
d’une autre, à l’intérieur de laquelle se joue le jeu éternel du
Tao, par conséquent un double courant de pensée
existentiel représenté d'une part par Socrate qui exalte la pensée,
la raison (Terre) et d'autre part Krishnamurti qui oppose la pensée
à la méditation (Ciel) en expliquant que cette dernière est en prise
directe avec le Vivant. Nous pouvons trouver un rapprochement avec
Krishnamurti avec Nietzsche critiquant Socrate car celui-ci met la
raison au dessus de toute autre valeur, et celle-ci empêche la vie
de s'épanouir.
Dans « La naissance
de la tragédie », Nietzsche caractérise Apollon et Dionysos comme
deux forces opposées. Tandis que Apollon est le symbole de l'ordre,
c'est-à-dire de la raison, de la pensée, Dionysos est le symbole de
la vie, (de la méditation pour krishnamurti), qui veut s'exprimer.
Dionysos accuse Apollon de l'empêcher de s'épanouir. Apollon doit
disparaître pour que Dionysos trouve toute sa liberté. Mais en même
temps Dionysos ne peut pas se comprendre lui-même. Pour se
comprendre, il a besoin d'Apollon, qu'il accuse de l'empêcher de
vivre. Nous sommes là, au cœur du Tao, où se mêlent tout en
s’opposant deux forces ou deux théories à la fois contraires et
complémentaires. Le Tao nous montre plusieurs facettes d’une même
réalité qui ont besoin de coexister dans un jeu d’alternance décrit
par Lao Tseu. Cette conception nous oblige à une gymnastique de
l’esprit, non coutumière à nos esprits occidentaux, habitués à
s’arrêter aux contradictions apparentes.
Retenons également
les similitudes entre Socrate et Krisnamurti qui a été perçu comme
« le Socrate des temps modernes » car ils s’inscrivent tous les deux
dans un courant existentiel qui met la liberté de l’homme au cœur de
leur philosophie. Il ne reste plus maintenant qu’à mettre en
relation les différents courants astrologiques actuels avec ces
différentes phases, ce que chacun pourra faire aisément.
Hubert BRUN
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