L.D.A :
La FDAF fête ses 10 ans d’existence. Est-ce que cela inspire
quelques commentaires à son Président Fondateur ?
A.C.
Oui je crois qu’il faut se réjouir,
surtout dans le contexte actuel (l’astrologie n’est pas au
mieux de sa forme !), d’être toujours présent. La plupart
des Fédérations n’ont pas duré plus de 3 ou 4 ans en France.
Nous avons donc le mérite d’exister et d’être la seule
instance susceptible de représenter officiellement la
corporation astrologique vis-à-vis des pouvoirs publics ou
des média. Il n’y a, dans ma formulation, aucune intention
hégémonique. Simplement la volonté de dire que dans le
paysage astrologique français la FDAF est le seul organisme
à se préoccuper concrètement de la fonction sociale de
l’astrologue, c’est à dire de la place de l’astrologue et de
l’astrologie dans la cité. Nous faisons tout ce que nous
pouvons depuis 10 ans pour que la culture astrologique
existe en tant que telle, et que le métier d’astrologue soit
reconnu. Il y a là une revendication de nature politique
voire peut-être syndicale ou citoyenne. Nous sommes des
militants.
LDA :
Voulez vous dire que la FDAF n’a pas été perçue sous cet
angle par tous les astrologues ?
A.C.
Je pense qu’il y a eu une confusion au
départ. On a sans doute pensé que nous voulions « régner sur
la communauté astrologique » ou que nous voulions rassembler
tous les astrologues alors que notre objectif principal
était de réunir ceux et celles qui étaient animés par une
certaine éthique moderne de la pratique astrologique et qui
avaient une réelle volonté d’intégration sociale. Ce sont
les textes fondateurs, c’est à dire nos documents de
présentation et surtout notre code de déontologie qui ont
constitué le rassemblement. Nous n’avons forcé personne à
signer ce code dont le premier article constitue la bannière
de rassemblement et non un dogme : « Les astres inclinent
mais ne déterminent pas ». En 10 ans, près de 1000
astrologues professionnels ou astrophiles avancés, quel que
soit leur courant astrologique, se sont reconnus dans les
principes fondateurs de cette Fédération. Ce n’est pas rien
et cela nous donne un minimum de légitimité. En tous cas
cela devrait nous donner beaucoup de courage pour prolonger
cette lutte identitaire et faire valoir la culture
astrologique.
LDA :
Est ce que la FDAF représente tous les courants
astrologiques ?
A.C.
L’article 1 de notre code et les suivants
(qui insistent sur la notion de libre arbitre) nous
empêchent d’avoir une représentativité exhaustive. Il y a
quelques praticiens qui se sentent exclus ou qui ne semblent
pas concernés par notre combat. D’autres qui ne figurent pas
officiellement parmi les membres actifs mais avec lesquels
nous sommes en sympathie, c’est le cas des Conditionalistes.
Je suis en
relation permanente avec eux et je m’efforce de faire en
sorte qu’ils s’expriment régulièrement dans La Lettre des
Astrologues. Ils ont mon estime et je ne cesse de leur dire.
Leur travail est rigoureux et il s’agit pour moi d’un
courant de pensée important. La FDAF ne souhaite pas du tout
se restreindre au symbolisme, contrairement à ce qui a été
dit parfois ici ou là. Tous les courants qui ont un discours
sensé, j’allais dire raisonnable (est-ce le bon mot ?),
doivent pouvoir bénéficier d’une tribune d’expression dans
la Lettre des Astrologues ou sur notre site. En revanche
nous sommes réticents à toutes les démonstrations obscures
ou délirantes. Ce n’est malheureusement pas ce qui manque
dans la profession. Notre vigilance en matière de
recrutement d’adhérents est constante mais cela ne nous
empêche pas de faire des erreurs.
LDA : Si
vous deviez revoir le film des 10 années d’activités
fédératives que ressortiriez-vous comme points forts et
comme maillons faibles ?
A.C.
C’est difficile d’être juge et partie.
Rien ne s’est fait dans la facilité. Mais comme je vous l’ai
déjà dit, le bilan est très positif. Reconnaissons malgré
tout quelques échecs. Par exemple j’ai, personnellement,
vécu douloureusement le fait que quelques confrères ou
consœurs que j’avais en haute estime et amitié n’acceptent
pas de figurer au premier rang du Conseil d’Administration.
Nous aurions pourtant bénéficié de nos complémentarités et
notre synergie aurait donné un élan important à notre
discipline.
Je regrette
aussi que la commission Enseignement qui était pourtant si
bien partie (voir l’excellente réunion des Enseignants en
97) n’ait pas réussi à produire ce fameux Programme Pilote
qui est en chantier depuis 6 ou 7 ans maintenant. C’est un
sujet tellement important que nous n’avons pas le droit à
l’erreur. Or, pour l’instant notre formule n’est pas au
point.
Enfin on ne
peut que déplorer nos insuffisances diplomatiques sur le
plan des liens internationaux avec les autres Fédérations.
Nous avons eu des divergences de points de vue avec nos amis
italiens qui n’ont pas accepté notre réserve, pourtant bien
française, en matière d’applications prévisionnelles. Nous
pensions avoir établi des liens constructifs avec la
Fédération anglaise et avec les américains mais nous avons
dû faire face à une manoeuvre « politicarde » de la part
d’un de nos co-équipiers.
(Nobody is perfect !)
Tant et si bien que la construction s’est
trouvée interrompue provisoirement. Nous ne perdons pas
espoir à moyen terme. La Fédération des Astrologues
Francophones doit faire les frais de sa singularité. Nous
parviendrons à la faire valoir au fil du temps.
Parlons
maintenant des éléments positifs de ce bilan. Ils sont
tellement nombreux que je vais me contenter de citer les
principaux. Il y a des « produits » qui sont devenus des
institutions : La Lettre, la Gazette, l’Astronotes, le site
internet, la banque de données. Vous rendez vous compte ? En
dix années d’activité : toutes les Lettres des Astrologues
sont sorties chaque trimestre régulièrement et à bonne date.
Il fallait le faire. Certes on pourra toujours épiloguer sur
le contenu rédactionnel et juger de ses insuffisances mais
en attendant La Lettre est toujours là et, croyez moi, avec
notre nouvelle rédactrice, ça promet !… Le site internet
http://www.fdaf.org ?
Et bien ça aussi, c’est un exploit. Beaucoup mieux qu’une
usine à gaz. Plus sain, plus écologique, plus amical, plus
utile. C’est une pièce maîtresse de la Fédération avec près
de 3000 visites mensuelles.
Pour tout
cela, oui pour tout ce qui donne une respiration quotidienne
à cette Fédération et bien il faut remercier –je le fais à
titre personnel du fond du cœur – tous ceux qui ont œuvrés,
tous ceux qui officient bénévolement, tous les jours, pour
ne pas dire toutes les nuits, au dépens de leur vie
personnelle, familiale ou professionnelle. Chapeau ! Et on
ne se rend pas compte lorsqu’on est adhérent de tout ce que
cela suppose.
Mais
en dehors de ces « institutions » qui assurent la pérennité
de notre Fédération j’aimerais rappeler certaines
initiatives d’envergure nationale qui ont jalonné le
parcours de ces 10 premières années. La plus importante fut
Astroculture 98 avec des manifestations astrologiques dans
une vingtaine de villes françaises. Quand je repense à ce
qui s’est passé à Paris ce week-end là, sans aucun moyen
financier, je rêve encore : une table ronde dans l’ancien
Atelier d’Édouard Manet, une visite astrologique de l’Opéra
Garnier, une conférence au Musée Gustave Moreau, etc…
Que des lieux
de prestige ! Jamais, ou alors il y a très longtemps, les
astrologues n’avaient réussi à investir des lieux de culture
aussi magiques. Ce mariage de l’art et de l’astrologie
aurait sans doute mérité un immense succès ce fut, en
réalité, et pour différentes raisons, un plaisir d’initiés
mais l’expérience restera malgré tout un grand souvenir.
Tout autant que la première Journée Mondiale de l’Astrologie
qui du jour au lendemain fit se précipiter dans les
librairies parisiennes les deux grandes chaînes de
télévision. A la grande surprise de leurs responsables !
Tout ce que
je vous raconte était au menu réjouissance de ces 10 années
d’activités fédératives mais nous avons également réalisé
des choses très importantes. Je pense particulièrement au
Séminaire Michel Cazenave : un atelier de 6 h non-stop sur
la loi de synchronicité. Quelle journée merveilleuse ! Non
la FDAF n’a pas chômé au cours de cette première décennie et
nous pouvons en être fiers. Nous avons même réussi à
organiser des sessions de formation continue financées par
des fonds publics. Jamais une association d’astrologues
n’avait réussi une telle performance. Il faut le dire. Tout
cela ne s’est pas fait par magie, nous avons beaucoup
travaillé. Je vous l’assure.
LDA :
Dans votre bilan vous ne nous parlez pas des relations de la
FDAF avec les pouvoirs publics ?
A.C.
Je n’ai pas la possibilité de
rendre compte de tout ce que nous avons fait en 10 ans parce
que ce serait trop long. Mais ne vous inquiétez pas je
n’oublie pas l’essentiel : notamment cette convocation au
Ministère. Nous avions en effet écrit au Premier Ministre
début 97 pour évoquer des questions relatives à notre métier
d’astrologue : Code APE, Numéro INSEE, statut de
l’astrologue, régime social, identité, etc… Nous avons été
reçus officiellement par la délégation Interministérielle
rue St Dominique. Cela a duré deux ou trois heures. Ces
pourparlers auraient pu nous conduire à des réorganisations
intelligentes de notre profession. En réalité cela est resté
sans suite. On ne peut pas demander aux pouvoirs publics de
tout faire à notre place. Inutile de mettre la charrue avant
les bœufs : c’était bien évidemment à nous de prendre en
charge la structuration de notre profession.
Et c’est
précisément là que je me suis aperçu (personnellement) que
la tâche était immense et que nous n’étions pas mûrs. Je ne
suis pas sûr que nous ayons beaucoup avancé depuis. Du moins
dans les faits. Pour l’esprit, par contre, j’ai le sentiment
que la prise de conscience se fait progressivement. Chaque
année par exemple il y a des astrologues qui s’installent et
qui sollicitent les pouvoirs publics dans le cadre de la
création d’entreprise. Quelques-uns d’entre eux nous ont
demandé conseil avant de soumettre leur dossier et cela
s’est avéré très concluant. Les Directions régionales du
Travail ont souvent des a priori sur nos activités
professionnelles mais tout prouve que lorsque les dossiers
sont bien présentés et appuyés par notre Fédération ils
passent plus facilement. Nous avons eu 2 ou 3 exemples
récemment.
LDA :
Qu’en est-il des contacts avec les journalistes ?
A.C.
C'est un point capital. Là encore je crois
que nous avons fait un travail de fond énorme qui n'est pas
forcément visible de l'extérieur mais qui portera ses fruits
à long terme. Au cours des trois premières années nous avons
été plutôt activistes c'est à dire que nous avons pris
l'initiative des contacts sous des prétextes divers. Le
retour a été rapide et nous avons de suite attiré
l'attention des plus grands
media : TF1, FR3, Europe 1, Radio France International,
France-Soir, Le Parisien, le Figaro, Le Monde, Grandes
Réponses, Psychologies, Ouest France. Etc ...
Nos communiqués de
presse ont très souvent été publiés. Et puis cela nous a
permis d'exister (vis à vis des média) à tel point
que pendant un an ou deux, nous avons été consultés pour
tous les grands projets d'émission Télé. Nous avons souvent
fait obstruction ou tenté de rectifier le tir. En vain !
Nous avons donc dépensé
beaucoup d'énergie pour rien. Enfin pour rien, ce n'est pas
tout à fait vrai car nous avons fait un gros travail
pédagogique d'information dont nous mesurerons peut-être les
effets dans le
temps.
Actuellement
nous ne sommes pas démobilisés mais nous avons changé de
stratégie. Nous intervenons « après coup » de manière
réactive à partir d’une veille presse plus ou moins bien
organisée. Nous surveillons tout ce qui est dit, tout ce qui
est écrit et nous essayons d’intervenir à chaque fois que
cela est nécessaire et à chaque fois que cela est possible
car nous n’avons pas la structure adéquate pour réagir aussi
souvent et aussi rapidement que nous le voudrions. Pour que
la commission presse fonctionne de manière efficace et
opérationnelle, il faudrait une équipe de choc constituée de
personnes très disponibles et habituées à ce travail de
contact avec les média. Avis aux amateurs …
LDA : La
période des vœux est officiellement terminée mais puisque la
FDAF célèbre son 10ème anniversaire, est-ce que
vous pourriez en formuler (des vœux) pour l’astrologie et
pour les astrologues ?
A.C.
Pour ma part je ne cesse d’en
formuler toute l’année. C’est le sens de mon action et du
temps que j’y consacre. Il y a plus de 30 ans que j’observe
le milieu astrologique. J’exerce officiellement en tant que
praticien depuis un quart de siècle (ou presque). Et bien,
au risque de vous décevoir, je trouve que l’image de
l’astrologie s’est considérablement dégradée au cours des
deux dernières décennies. J’ai plusieurs dizaines de
cassettes enregistrées lors d’émissions TV sur l’astrologie,
j’ai conservé toutes les coupures de presse depuis 20 ans ,
il serait donc facile de prouver la lente dégradation de
notre discipline.
Ça
se mesure au ton des journalistes, aux titres, à la longueur
et à la profondeur des articles. J’ai la nostalgie des
années 80 et je me souviens particulièrement d’un magnifique
congrès d’Astrologie en 1985 organisé par un groupe de
scientifiques Porte Maillot avec le polytechnicien Raymond
Abellio, le professeur Émile Pinel, mathématicien, avec les
biologistes Agnès Lacourly Bousser, Jacqueline Bousquet,
Etienne Guillé, avec le physicien Jean Michel Guillard, avec
le psychanalyste Luigi Aurigemma … Quelle grande époque !
C’était l’heure de la transdisciplinarité. C’est aussi dans
ces années là que l’on a eu la chance de voir à la
télévision, un dimanche matin dans le cadre des émissions
religieuses, notre consoeur Solange de Maillly-Nesle en face
d’Edgar Morin le célèbre sociologue. Les temps ont bien
changé. Alors que faut-il souhaiter à l’astrologie ?
Et bien, je
crois vraiment - et j’espère ne pas être tout seul à le
penser - qu’il faut entamer une grande réforme pour
l’inscrire définitivement dans la modernité. Cela passe par
un grand lifting. Notre culture a mal traversé le temps. Je
ne cesse de le répéter, ça devient obsessionnel : on traîne
encore beaucoup trop de vieilles casseroles et on n’ose pas
mettre au rebut toutes les techniques divinatoires désuètes
qui encombrent le savoir astrologique et le ridiculise.
C’est particulièrement le cas des horoscopes qui nous
empoisonnent et qui empêchent l’astrologie de figurer dans
le champ des sciences humaines. Certains d’entre nous
continuent encore « à jouer » avec ces instruments qui
remportent toujours le même succès que les émissions de
reality-show de la télévision. C’est du même niveau. Oui il
faut stopper l’hémorragie en dénonçant publiquement ces
confusions et en intervenant auprès des journalistes et
surtout auprès des professionnels qui se prostituent avec ce
genre de vulgarisations. Nous aurons sans doute beaucoup de
mal à couper la tête de l’hydre car il y a aujourd’hui de
véritables accoutumances, des addictions.
L’horoscope
de presse est devenu l’opium du peuple. A tel point qu’il
constitue de nos jours un vaste marché, une industrie à part
entière qui asphyxie la nature réelle et la substance de
notre discipline . La promotion d’une nouvelle identité
sociale et culturelle de l’astrologie passe par cette
éradication. Je suis donc partisan de ce « geste
chirurgical » et je considère que, seul, cela ouvrira sans
doute les portes d’une rénovation. En fait je m’aperçois
que, depuis 10 ans, je répète toujours les mêmes choses.
Certains diront que j’enfonce le clou d’autres que je
radote. A propos il serait bon que la FDAF songe à changer
de président…
L’astrologie
mérite mieux que cette confusion avec l’horoscopie. Le
moment est peut être venu maintenant de faire un pas de plus
en tournant une page de l’histoire. Il faut sauver
l’astrologie et faire en sorte qu’elle se modernise. Tels
sont en tous cas mes vœux pour 2006 et les années suivantes.
LDA :
Merci bien, président !
A.C. :
C’est moi qui vous remercie...